Par un jeu de miroir, entre nostalgie et curiosité, la composition du programme de cette édition de JALV 2023 se partage entre célébrations d’artistes et groupes historiques et espoirs mis en de jeunes talents, dans un contexte inquiétant qui freine l’émergence de voix singulières. Les musiciens n’échappent pas au climat ambiant. Quand les générations précédentes parvenaient à transcender les difficultés, à éclairer les consciences, à résister, à surprendre, à innover ou simplement à témoigner ou distraire, leurs successeurs semblent englués dans un récit du « réel » auquel il est de plus en plus difficile de se soustraire, tant il est intrusif.
PAR ROMAIN GROSMAN
PROMESSES D’AUTOMNE…
L’été des festivals n’a pas rassuré. Si le public est retourné aux concerts, malgré l’inflation cinglante des tarifs des billets d’entrée et des pass, les moments d’émotion et de création se raréfient. Le contexte social-politique-économique-environnemental et la précarisation accélérée du monde de la culture placent les artistes dans une situation de plus en plus anxiogène. Frilosité, autocensure, conformisme : si d’autres périodes sombres ont vu naître de grands courants, les musiciens vivaient alors dans un cadre relationnel différent, où le collectif tenait un rôle crucial : le partage d’une même expérience donnait aux individus combativité, confiance, nourris par une forme d’émulation positive, ancré dans le lien solidaire aux autres, aux partenaires – de nombreuses formations travaillaient sur la durée -, comme à des communautés de fait, qu’elles soient locales (sa ville, son quartier), d’origine, ou de conviction. L’isolement des individus, encouragé, accéléré par le système, affaiblit sa capacité de résistance, accélère le repli sur soi, affute les reflexes de survie, moins le goût de la subversion, de la révolte. Enfin, (espérons-le), jusqu’à un certain point… Quand l’humanisme reprendra ses droits.
JALV signe le lancement d’une nouvelle saison. L’originalité des new-yorkais de De La Soul est indéniable. En pleine ère gangsta rap, leur fantaisie, leur idée (pas isolée) de nourrir leur hip hop d’influences jazz, folk, a laissé une trace. Malgré la disparition d’un des membres du trio, De La Soul, rejoint ici par Yasin Bey, reste une formation marquante dans l’histoire de ce mouvement avec des albums culte à leur crédit.
Mulatu Astatke, près de 80 printemps, est une figure de l’ethio-jazz, sa musique, entre transe et mélancolie enivre des publics ouverts et curieux.
Lee Fields lui, enfile humblement le costume du rescapé chaque soir. Généreux, sincère, celui qui fait revivre le souvenir des James Brown, Wilson Pickett, ne fait pas que rallumer une flamme revivaliste. Il gorge sa soul brute d’un blues qui touche au cœur lors de chacune de ses performances.
José James, malgré son penchant pour les hommages (bien) choisis – cette fois à Erykah Badu -, mais plus encore Meshell Ndegeocello, ont des parcours courageux. La chanteuse-bassiste-compositrice suit une ligne de conduite d’une grande honnêteté : ses projets documentent et rythment son existence, à moins que ce ne soit l’inverse.
Soirée tendance et groove avec les anglais de Steam Down et Ezra Collective, comme avec l’organ trio de Delvon Lammar, carrément funky, à l’ancienne.
Le blues revisité par Milteau-Segal et Harrison Kennedy, le quartet « Les Egarés » (Ballaké Sissoko, Vincent Segal, Vincent Peirani, Emile Parisien) qui emprunte des chemins non balisés où l’improvisation et l’écoute déjouent le prévisible : JALV navigue entre Afrique et Mississippi dans des eaux remuantes.
Le retour de Sixun, le duo Perdron-Rubalcaba, la grande Oumou Sangaré : la rentrée affiche des promesses plurielles pour ceux qui aspirent à se soustraire au jet continu des discours et des décisions régressives qui ne manqueront pas d’obscurcir l’automne…
JAZZ A LA VILLETTE
30 AOUT : NANA BENZ DU TOGO, DE LA SOUL LIVE BAND
31 AOUT: LAURENT BARDAINNE & TIGRE D’EAU DOUCE, MULATU ASTATKE
1ER SEPTEMBRE : JOSE JAMES SINGS ERYKAH BADU, MESHELL NDEGEOCELLO
2 SEPTEMBRE : STEAM DOWN, DELVON LAMARR ORGAN TRIO, EZRA COLLECTIVE
3 SEPTEMBRE : LAKECIA BENJAMIN ‘PHOENIX”, THEO CROCKER
JEAN-JACQUES MILTEAU-VINCENT SEGAL-HARRISON KENNEDY “CROSS BORDER BLUES”, BALLAKE SISSOKO-VINCENT PEIRANI-EMILE PARISIEN “LES EGARES”
4 SEPTEMBRE : SVANEBORG KARDYB, BILL LAURANCE & MICHAEL LEAGUE
5 SEPTEMBRE : TOM SKINNER, HENRI TEXIER “INDIAN” SEPTET
6 SEPTEMBRE : THEO CECCALDI “NO BORDERS”, OUMOU SANGARE
7 SEPTEMBRE : SAMM HENSHAW, LEE FIELDS, PIERRICK PEDRON/GONZALO RUBALCABA, HAROLD LOPEZ-NUSSA “TIMBA A LA AMERICANA” avec GREGOIRE MARET
8 SEPTEMBRE : LONI CORNELIS “IMPRESS EXPRESS”, ANNE PACEO “SHAMANES”, YESSAI & MARC KARAPETIAN, TERRI LYNE CARRINGTON, TALENTS ADAMI JAZZ
BALIMAYA PROJECT, SIXUN
9 SEPTEMBRE : EMILE LONDONIEN, GOGO PENGUIN “EVERYTHING IS GOING TO BE OK TOUR 2023”
10 SEPTEMBRE : JULIUS RODRIGUEZ, SAMARA JOY