LA CULTURE EN DANGER

ARTISTES EN RÉSISTANCE

PAR FRANCISCO CRUZ

Grands oubliés du déconfinement, les acteurs du monde de la culture, livrés à eux-mêmes, organisent la reprise par leurs propres moyens (!)

Des mois après la crise pandémique du Covid en Chine, les autorités sanitaires et politiques européennes et du reste du monde déclaraient qu’il s’agissait d’un problème chinois, et qu’il n’y avait aucun risque de contagion. Des avions arrivaient tous les jours en provenance de Chine, probablement chargés de gens contaminés, mais le business avec Pekin était la priorité.…

Après, ce fut la contagion de la peur, l’enfermement de la population, les statistiques alarmantes, la manipulation de l’information, le mensonge érigé en vérité officielle, la censure des voix dissidentes, l’introduction de nouvelles formes de contrôle social, la violation des droits citoyens, des droits humains élémentaires… à grands renforts de surveillance militaire et policière. Ensuite, vint le temps des aides compensatoires aux grands groupes complices de la dégradation de notre planète. L’ouverture des marchés du tout superflu, la réactivation du consumérisme inconscient et aliénant, en vertu de la sacro-sainte croissance économique… (pour une minorité, aux dépens de la misère pour une part grandissante de la population un peu partout dans le monde).

Par contre, l’interdiction persiste dans le domaine artistique : les meilleures expressions de l’esprit humain, et notamment la beauté (du son, du geste, du mouvement) n’intéressent guère les décideurs du marché global ultra-libéral. La réunion des citoyens pour jouir librement de la créativité des musiciens, danseurs, acteurs, serait-elle pour eux si inutile, si peu rentable, voire dangereuse et subversive ? Il n’y a pourtant jamais eu tant de policiers, de drones et d’hélicoptères pour surveiller les réunions artistiques ces dernières années…

wayne shorter – jon hassell – eivind aarset

Empêchés de travailler, précarisés, voire paupérisés, les artistes s’organisent de façon improvisée. Certains en diffusant des concerts inédits sur les réseaux sociaux. Afin, notamment, de venir en aide des musiciens malades (Herbie Hancock, Danilo Pérez, Brian Blade, John Patitucci, Kawasi Washington, en aide de Wayne Shorter; Eivind Aarset et autres musiciens scandinaves pour aider Jon Hassel, par exemple). D’autres, organisent de nouvelles rencontres, festivals, concerts, récitals, et les diffusent en ligne. Et cela pour un prix d’abonnement modique, qui ne soutien aucune comparaison avec les tarifs habituels des concerts.

Toute l’activité artistique live (le spectacle vivant) est ainsi désarticulée pour un temps indéfini. En France, tous les festivals sans exception, avec plus ou moins de regret, nous ont communiqué leurs annulations. Sans trouver aucune formule de substitution à leurs programmations originales, victimes des fermetures de frontière.

Les bonnes nouvelles arrivent d’Italie et d’Espagne. Paradoxalement, les pays européens les plus affectés par la crise sanitaire. Au Pays Basque, le festival de jazz de San Sebastian (22-26 juillet) présente un programme ad-hoc avec quelques-uns des meilleurs musiciens ibériques : Jorge Pardo (l’ancien sax de Paco de Lucia), les pianistes Chano Dominguez, Marco Mezquida, Iñaki Salvador et Joachim Kühn (qui habite à Ibiza), le contrebassiste Javier Colina, les guitaristes Josemi Carmona et Chicuelo, le saxophoniste Perico Sambeat… et la chanteuse-poétesse Silvia Pérez Cruz.

En Italie, après avoir lutté pendant trois mois afin d’obtenir une allocation de base pour les musiciens interdits de concert, et avoir multiplié les performances et les émissions culturelles en ligne, le trompettiste sarde Paolo Fresu annonce le maintien de l’édition 2020 de son festival Time in Jazz (Berchidda, Sardaigne, 9-15 août). Avec la pianiste Rita Marcotulli, la chanteuse Cristina Zavalloni, l’inusable Antonello Salis, mais aussi Fabio Concato, Roy Paci, Daniele Silvestri… le Devil Quartet de Fresu. « Un pont entre la réalité et l’envie (le désir, le besoin) de musique et de renaissance » selon l’expression du trompettiste.

josemi carmona – cristina zavalloni