LA VERONICA

Veronica Lara, influenceuse, femme de footballeur, et récemment maman pour la deuxième fois, est un personnage détestable. Elle est le fruit d’une société de glorification du superficiel et des réseaux sociaux que l’on laisse s’installer aujourd’hui dans tous les pays du monde. Bienvenue dans l’enfer d’une planète peuplée d’êtres vides et malsains ?

PAR LUNA CRUZ

BIENVENUE DANS LA GRANDE VACUITE

Dans la bande-annonce du film, on peut lire la phrase d’un magazine grand public titrer : « Vous allez adorer la détester ». Veronica Lara, femme de footballeur, influenceuse et récemment maman pour la deuxième fois est un personnage détestable. Elle est surtout le fruit d’une société de glorification du superficiel et des réseaux sociaux que l’on laisse s’installer dans tous les pays du monde. Cette Veronica est Chilienne, mais elle aurait pu être Française, Israélienne, Japonaise, peu importe. Quand on lui rappelle qu’elle est de retour sur ses terres d’origine, la protagoniste rêve avec mélancolie à sa regrettée Dubaï, ville mondialement connue pour être la capitale des influenceurs (une catégorie « professionnelle » adorée des publicitaires et des commerciaux, voire des politiciens au service de la finance).

Le seul objectif vital de Veronica (l’actrice chilienne Mariana di Girolamo, découverte par le public international avec le film Ema de Pablo Larrain) n’est donc ni de reconnecter avec son pays, encore moins d’élever sa fille bébé, mais bien d’obtenir davantage d’abonnés sur Instagram, afin de devenir l’égérie d’une marque de produits de beauté. 

Vous la détestez déjà ? Veronica semble ne pas être très originale et, pourtant, elle est aussi suspectée dans le mort inexpliquée de son premier enfant. 

L’enquête policière revient régulièrement au fil du film ainsi que des séquences de confidence face-caméra où, très rapidement, l’héroïne admet le meurtre de son premier enfant. Mais, tout comme le policier – dont nous ne voyons jamais le visage -, les spectateurs n’en avaient déjà plus aucun doute. Et pour cause : chaque fois que Veronica s’ « occupe » de sa fille, elle la maltraite et s’en prend à tous ceux qui s’en rendent compte. La caméra fixe le visage indéchiffrable et dénué d’émotions de cette mère perdue. 

L’autre originalité de cette instagrammeuse des temps actuels est que, tout en étant consciente de son image lisse et superficielle, elle la recherche pourtant avec la même intensité. Car Veronica a bien compris les règles du jeu : la société actuelle glorifie les vues, les likes, le nombre d’abonnés, les followers. Ainsi, Veronica incarne tout ce que cette civilisation a engendré de plus monstrueux : des personnes prêtes à tout pour être « connu.e.s » dans le monde virtuel, symbole d’un accomplissement vital. Au point que les seuls moments où le personnage ressent de la tristesse, ou tout simplement une émotion, sont en rapport à sa popularité sur les réseaux sociaux, présente ou à venir. Mais jamais vis-à-vis de sa fille ou de son enfant mort. 

Le film pointe ainsi du doigt, également, un discours critique sur la maternité : Veronica se décrit comme une femme qui «adore les enfants», en prenant exemple sur ses neveux. En réalité, ce qu’elle aime, c’est la compagnie des garçons adolescents car, elle est pour eux un objet d’intérêt et de fascination. Ce qui parachève son portrait totalement narcissique et égocentrique : si elle est mère, c’est uniquement pour la société qui lui décerne des qualificatifs de mère aimante, active ou tantôt éplorée, essoufflée, à divers moments du film. Elle n’est mère que pour ce que cela lui rapporte comme image publique, jamais comme personne. Veronica participe à une émission de télévision, type Téléthon sur les grands brûlés, pour la même raison. 

La question n’est donc pas de savoir si vous allez la détester, mais si vous supporterez vivre une heure et demie avec cette influenceuse… qui n’est autre que le reflet d’une société en pleine déliquescence. 

Bienvenue dans l’enfer de la superficialité et des réseaux sociaux, fabrique  des êtres vides et malsains de demain (ou déjà d’aujourd’hui ?)…

LA VERONICA

Un film de Leonardo Medel

avec Mariana di Girolamo, Patricia Rivanedeira, Ariel Mateluna

(actuellement en salle)