LA CULTURE MUSELEE

 LES FESTIVALS (TOUJOURS) ENTRAVÉS

PAR  FRANCISCO CRUZ  ET  ROMAIN GROSMAN

Au fil des mesures liberticides, des violations des Droits de l’Homme et des lois de la République Française, la musique est aussi soumise à la volonté de ceux qui acceptent ou qui refusent les abus de pouvoir. Avec des conséquences néfastes pour les artistes et pour le public.

Au début de l’été, le Festival du Chant de Marin à Paimpol, en Bretagne, fut le premier à donner la tonalité du non à la cacophonie sanitaire, en reportant sa quinzième édition pour l’été 2022. Dans un communiqué bref mais éloquent, la direction du festival s’expliquait : « …les annonces gouvernementales rendent impossible la tenue d’un grand nombre de festivals et, singulièrement, du Festival du Chant de Marin. L’esprit du festival – un grand brassage multicolore, une circulation libre et festive, conviviale et familiale, entre les différentes scènes -, ne peut s’enfermer dans ce cadre très contraint.»
D’autres festivals, aux genres et résonances diverses, lui emboitèrent le pas, tandis que certains choisirent d’accepter les contraintes et, lors de programmations affaiblies (notamment par l’absence des artistes étrangers empêchés) ou remaniées, pour proposer des concerts transformés en parodies d’expression artistique, devant un public minimal, masqué, distancié. Assister à une performance sans pouvoir échanger, partager, manifester ses émotions : quel sens donner à des lives ainsi dévitalisés ?

En cette rentrée, c’est au tour de l’un de plus grands festivals de fin d’été, We Love Green, aux portes de Paris, de renoncer à son édition prévue pour septembre. Au Bois de Vincennes, le public majoritairement jeune se préparait à écouter et danser avec London Grammar, Chassol, 13 Block, Pomme, L’Impératrice, Acid Arab, Kampire, Yndi, et l’infatigable Catherine Ringer évoquant les Rita Mitsouko et une France libertaire et joyeuse. À cause d’un public réfractaire aux restrictions coercitives de sa liberté, d’une billetterie dangereusement hésitante, le festival a jeté l’éponge : « d’un point de vue artistique, sanitaire, administratif et financier, les conditions ne sont plus réunies pour produire un WLG ambitieux. Jour après jour, les risques d’annulations se précisent : complications sur les rares dates prévues en France pour les quelques artistes internationaux ou même français, pour cause de transports, vaccination, contaminations… Le risque que notre affiche, patiemment (re)construite, perde peu à peu de son sens, est bien réel. À cela s’est ajoutée la menace croissante d’un durcissement des conditions sanitaires qui toucherait en premier lieu des grands événements culturels comme le nôtre. Or dans un tel contexte, les festivals indépendants et internationaux sont des châteaux de sable sans garantie ni assurances pour les protéger.» Une décision cohérente, circonstanciée, qui montre dans quelles situations sont placées les responsables des manifestations culturelles en cet automne.

« Pic épidémique » ou « accalmie » : quelle que soit la communication gouvernementale, la culture reste clairement une cible privilégiée des autorités. Continuer de croire après deux ans de gestion autoritaire de la « crise sanitaire » qu’il n’y aurait pas là un choix politique clair visant à museler toutes les sources de libre expression – comme on réprime par ailleurs dans la société civile toute velléité contestataire -, serait d’une grande naïveté. Dans une France assommée du matin au soir par des débats nauséabonds, rances, plus personne ne semble s’émouvoir des entraves permanentes et abusives visant le monde de la culture au pays des Lumières.