ALAIN GERBER –  « DEUX PETITS BOUTS DE BOIS »

Producteur radiophonique, critique de jazz et directeur de collection discographique, écrivain, Alain Gerber a publié des livres monographiques sur quelques-uns de plus importants jazzmen du XXème siècle. Désormais, il nous révèle certaines facettes plus intimes de sa personnalité, dont sa passion pour la batterie et, plus spécifiquement, pour les baguettes. Une sorte d’autobiographie percutante. 

PAR FRANCISCO CRUZ

ENTRE CYMBALES ET TAMBOURS

Lire Alain Gerber aujourd’hui de surcroit dans cette dimension autobiographique, c’est comme faire un voyage rétrospectif dans l’une des périodes les plus fastes du jazz en France : entre les sixties et le changement de millénaire. Entre l’arrivée de l’auteur à Paris (en provenance de Belfort) et son départ (en direction de Toulon).

Lire Gerber ici et maintenant, raconter sa découverte d’un Paris culturellement fascinant, la vie d’un jeune homme étudiant pratiquant une multitude de jobs de survie, puis menant une existence « au-dessus de ses moyens » (comme le signifient les bourgeois à l’adresse des travailleurs indépendants), jusqu’à atteindre un statut de spécialiste d’un genre musical chargé de prestige, c’est une façon de s’approcher de la vie d’une série d’autres personnalités aux parcours analogues. Des critiques de jazz, jouant de la musique et, notamment, des percussions.

Nous avons connu Alain Gerber au sommet de son parcours. Critique de jazz, nous avons partagé avec lui les colonnes et les pages d’un magazine spécialisé où il écrivait à la vitesse d’un train à grande vitesse. Producteur d’une des plus prestigieuses émissions de Radio France, il avait la hauteur de nous inviter à partager l’antenne nationale en acceptant des choix musicaux qui n’étaient pas (pas toujours et presque jamais) les siens. Nous n’étions pas souvent d’accord avec son point de vue à l’égard de certains musiciens, mais nous reconnaissions la richesse de la collection discographique qu’il dirige depuis longtemps chez l’éditeur français Frémeaux.

Cette collection, au volume très important, lui sert de colonne vertébrale dans l’articulation et le soutien de l’écriture. Une écriture linguistiquement très riche, nuancée et, particulièrement amène, fruit ultime d’une longue pratique. Ce qui lui permet d’inviter une collection d’amis, journalistes, producteurs et musiciens, tout au long de centaines de pages. Et parmi ces musiciens, des batteurs (dont certains remarquables) qui ont joué de beaux solos dans sa vie. Tels Daniel Humair, Aldo Romano, André Ceccarelli, Christian Vander, mais aussi les légendaires Jo Jones, Art Blakey, Gene Krupa et Max Roach. Et réaliser un surprenant parcours à travers une géographie sonore de baguettes et cymbales.

Un autre aspect, pas moins important, présent dans ce nouvel ouvrage de Gerber, est une forme inédite (au moins inconnue de nous) de mise en perspective de son propre chemin, s’attardant sur ses « faiblesses » plus que sur ses « qualités », rendant tout relatifs son « autorité » et son propre « prestige » fondés sur sa connaissance de la musique. C’est un fait rare que de lire, de la plume d’une personnalité de la presse française, une telle distance avec son propre ego. Cela ne fait que renforcer notre respect.

ALAIN GERBER
Deux Petits Bouts De Bois
Editions Frémeaux & Associés. 242 pages, 22 €