JAZZ A JUAN 2023  

Plus de 25000 spectateurs : Jazz à Juan est parvenu à rassembler un large public, grâce à une programmation variée qui aura su attirer et satisfaire des auditoires et des sensibilités différentes. Comme en atteste le succès de la soirée dédiée au jeune talent Jacob Collier et son jazz electro-funk et de celle consacrée au pianiste Ludovico Einaudi et à son univers très prisé des cinéastes de des cinéphiles.

PAR ROMAIN GROSMAN   PHOTOS @RIVIERAKRIS

SOIRS DE COMMUNIONS

Dans sa version la plus festive, La Pinède retrouvait Nile Rodgers et Chic, pour faire le plein de spectateurs et de tubes. Devenu l’égérie d’une grande marque de mode, en même temps qu’il était redécouvert par la nouvelle génération d’artistes – il vient de produire Beyonce et de glaner un nouveau Grammy Award, après ceux récoltés avec Daft Punk et Pharrell Williams – Nile Rodgers a eu une première vie toute aussi riche.

Dès l’intro, son groupe, impeccable machine rutilante, au groove imparable, égrène des thèmes qui ont marqué plusieurs générations. Ecrits pour Sister Sledge (« We Are Family », « He’s The Greatest Dancer »), David Bowie (« Let’s Dance », « Little China Girl »), Madonna (« Material Girl », « Like A Virgin), Duran Duran (« Notorious ») ou Diana Ross (« I’m Coming Out », « My Old Piano ») : une playlist de collaborations sans équivalent, mais qui reste pourtant en deçà des ses propres productions pour Chic. Avec un son disco-funk unique, qui en live est reproduit au cordeau par une rythmique d’enfer, le guitariste, en architecte de cet entrelacs mélodie-rythme tissé à la perfection, est soutenu par le fidèle et monstrueux tandem Jerry Barnes (basse)-Ralph Rolle (batterie). A plus de soixante-dix printemps, l’élégant leader fait se lever et danser la Pinède Gould sur ce son classieux qui, de « Chic Cheer » à « Good Times », pourtant façonné avant la naissance d’une partie de l’auditoire, reste toujours aussi irrésistible… Malgré (pour ceux qui le suivent assidument) des choristes en deçà de leurs devancières, une section de cuivres rétrécie, et l’absence du percussionniste…  Juste avant, le guitariste Cory Wongavait déployé une énergie indéniable. Mais sur une esthétique linéaire, sans nuance, son set finirait par saturer l’air tiède de cet été tropical, d’un trop plein de notes un peu suffoquant.

Le lendemain, place à trois voies contemporaines et féminines de la culture africaine. Si la prestation d’Imany, dans un spectacle très visuel – la chanteuse et ses huit partenaires violoncellistes drapés de tenues lamées et argentées évoluent dans une scénographie très chorégraphiée -, semble ravir son public qui reprend ses chansons, le ton monocorde de sa voix, des orchestrations mécaniques, peuvent laisser d’autres spectateurs plus sceptiques… Nous par exemple.

Dès que la « papesse » Angélique Kidjo apparait, le public se laisse entraîner par son incroyable présence. La béninoise, ambassadrice de l’Unicef, embarque la foule avec sa générosité, son abattage, et un discours positif et rassembleur qui font du bien par les temps qui courent. Au final, elle invite Fatoumata Diawara à la rejoindre pour une communion réjouissante sur « Pata Pata » (immortalisé par Myriam Makeba) et repris par des spectateurs conquis, debouts, et souriants. La Malienne, qui prend le relais, montre une autre facette du continent, tourné vers l’avenir, le voyage, les métissages, avec un son où s’enlacent rythmes terrestres traditionnels et transe quasi psychédélique sur ses courtes lignes de guitare.

 

En guise de final, deux figures du jazz apparues ces dernières années et adoptées par les festivaliers, année après année, ce qui permet les comparaisons avec leurs prestations passées. Avec la coréenne Youn Sun Nah en ouverture, toujours cette légèreté maitrisée, précise, ce chant délicat, sensible. Une interprétation originale pour des reprises de Roberta Flack (« Killing Me Softly ») ou de Prince (« Sometimes It Snows In April »), en douceur, mais aussi parfois un (léger) sentiment de répétition. Un ressenti contrasté, mais le plus souvent effacé par la (belle) personnalité de la chanteuse, sa générosité et son authenticité.

Melody Gardot ne nous avait jamais déçus, lors de ses précédents passages à Juan. Avec son « projet brésilien », elle a semblé moins passionnée par ses propres chansons, distante, comme si elle en avait tirées le substrat au fil des tournées précédentes. Si son chant est toujours élégant, sa voix pleine de charme et d’autorité, le grain de passion qui sublime son expression habituellement s’est évanouie. Une étrange sensation d’absence finit par poindre. Comme si, pour cette artiste jusque-là remarquable dans sa capacité à se réinventer, à se (et nous) surprendre, un chapitre devait se tourner…

 

JAZZ À JUAN 2024 aura lieu du 8 au 18 juillet !!!