SINIKKA LANGELAND – « WIND AND SUN »

On avait vibré avec le son cristallin de son kantale, en écoutant des albums méditatifs, emplis d’une aura mystique, et avec son chant intemporel traversé de mystère. La chamane de la spiritual song norvégienne, revient dans un contexte musical cette fois plus accessible, entourée d’un quintet jazz, sur un répertoire poétique écrit par Jon Fosse. Un souffle vital et un son lumineux…

PAR FRANCISCO CRUZ

 ODE A LA BEAUTE ET A L’INTELLIGENCE NATURELLE 

Les sujets d’attention et les points de convergence des tendances culturelles changent par périodes plus ou moins aléatoires, dans les régions du monde épargnées par la guerre ou les dictatures. La particularité de cette période des dernières trois années, est l’absence de centres d’intérêt, résultante de la déflagration mentale générée par le traitement répressif de la confabulation pandémique. C’est dire à quel point les criminels de la nouvelle politique du totalitarisme financier ont pratiquement désintégré les réseaux artistiques créatifs, indépendants et non industriels. L’art, dont la musique, est rentré dans une nouvelle période d’errance.

Un quart de siècle en amont, la sphère du jazz et des musiques improvisées européennes était secouée par des nouvelles conceptions du jazz en provenance de l’espace sonore scandinave, notamment de la Norvège et de la Suède. Ce fut le phénomène musical le plus important du passage du XXème au XXIème. Derrière des figures de proue comme le trompettiste Nils Petter Molvær, le pianiste Esbjorn Svensson ou le claviériste Bugge Wesseltoft, une génération entière de jeunes musiciens proposaient de nouvelles voies d’expression, électroniques et expérimentales, rattachées autant au jazz qu’aux musiques traditionnelles, au folk et au rock. Amplement plébiscités par un public jeune (ou rajeuni), ils furent progressivement invités à se produire en France et en Europe centrale et méditerranéenne. Malheureusement, depuis 2020, leur présence dans les festivals au sud de la Baltique est presque une anecdote.

Disparus des scènes françaises, le guitariste Eivind Aarset revient cette année juste pour un concert en sideman de l’oudiste tunisien Dhafer Youssef, tandis que le saxophoniste Trygve Seim, le trompettiste Mathias Eick, le batteur Thomas Strønen et le bassiste Mats Ellersen réapparaissent ensemble seulement sur disque, accompagnant Sinikka Langeland. Il serait trop optimiste d’y voir l’annonce d’une reprise importante de la circulation des musiciens à travers le monde. Car, les menaces de nouvelles restrictions, de mesures coercitives pseudo sanitaires, politiques, reprennent, pour des nouveaux contrôles de la population qui séparent les artistes du public et les artistes entre eux.

Quoi qu’il en soit, on se réjouit d’entendre ce nouvel album de la harpiste et brillante joueuse du vernaculaire kantele. Et de la retrouver entourée de ces quatre musiciens qui magnifient ses compositions. Les résonances spirituelles, naturalistes et cosmiques, sont toujours à la racine du son, les titres sont éloquents : « When The Heart Is A Moon », « A Window Tells » ou « Wind Song » pour ne citer que certains. D’autres sont présentés en plusieurs versions, pour mieux souligner le caractère unique de chaque interprétation et la possibilité de lectures ouvertes à l’infini.

C’est un album absolument acoustique, au rythme lent et au lyrisme transparent, sans fioritures, ni figures de style. Dans ce contexte Eick et Seim sont particulièrement en phase sur le plan harmonique avec la voix de la chanteuse.

Quand il est question de Wind, Sun, Child, Love… on est dans des dimensions essentielles à la vie, infiniment loin des algorithmes de l’intelligence artificielle. Ce n’est pas une affaire de plateforme, ni de téléchargements. C’est de l’émotion, de la sensibilité, de la beauté, intelligente et naturelle.

Ecoutera-t-on cette ode sonore dans un festival français en 2024 ? Rien n’est moins sûr, hélas !

SINIKKA LANGELAND

Wind And Sun

(ECM/Universal)