LUDOVIC FLORIN – « CHICK COREA »

LE FARFADET

Parfois déconcertant dans sa capacité à développer une fantaisie toute latine, l’Américain aura fait taire les sceptiques, et réjoui les amateurs d’une musique virtuose, gourmande et sensuelle. D’un jazz moderne exigeant au jazz-rock le plus jouissif (au côté de Miles Davis ou au sein de son propre groupe Return To Forever), Chick Corea s’est imposé au fil des années comme l’un des pianistes majeurs du XXème siècle.

PAR CHRISTIAN LARRÈDE

Lorsqu’il a entamé la rédaction de cette somme, premier ouvrage en français consacré à l’Américain, Ludovic Florin (par ailleurs musicologue, universitaire, et entre autres directeur d’un remarquable ouvrage collectif consacré à Carla Bley-Éditions du Layeur) ignorait que, le 20 février 2021, le décès de Chick Corea offrirait un funeste point d’orgue à cet ouvrage. Ces plusieurs centaines de pages n’en sont que plus précieuses, par la nomenclature des quelques 300 albums (incluant la reproduction des pochettes, comme une délicate iconographie à travers le temps qui passe) enregistrés sous son nom ou comme compagnon de studio. Et car s’imposait alors davantage la nécessité de plonger encore et encore dans l’œuvre chatoyante de l’homme du Massachussetts, enregistrant quelques gemmes de free-jazz, ou de musique d’avant-garde, ou de latin jazz, ou de musique classique, ou de pièces branchées sur l’électricité. L’auteur ne se contente naturellement pas d’un catalogue rigoureux, mais musarde – d’Hubert Laws à John McLaughlin, en passant par Stanley Clarke ou Lenny White, et tant d’autres – au royaume de ceux qui ont croisé la route du pianiste, définissant par là-même certains préceptes incontournables du jazz moderne. Au fil des pages, on apprend, sur un rythme thématique, beaucoup de choses sur les faces cachées du jazzman On se souvient également de quelques turbulences (son adhésion à la scientologie le conduira à enregistrer avec John Travolta et même le fondateur L. Ron Hubbard), et on voit se dessiner peu à peu, dans l’évocation de ces œuvres, un arbre généalogique de la créativité. Ce beau livre ne vous fera pas aimer Chick Corea, mais il éclairera assurément les raisons de votre affection.

LUDOVIC FLORIN
Chick Corea
Editions du Layeur, 280 pages, 34 euros