DIDIER CASSEGRAIN, FRED DUVAL, MICHEL BUSSI – « NYMPHÉAS NOIRS »

LA PALETTE DES SENTIMENTS

PAR CHRISTIAN LARRÈDE

Un album de bandes dessinées qui ne constitue pas uniquement l’adaptation d’un polar à succès, mais bien une intrusion dans le domaine impressionniste de Claude Monet.

On ne se contente pas de peindre à Giverny (Eure), tels Monet ou une cohorte de disciples américains. On s’y presse lorsque, touriste, on veut capter la substantifique moelle de l’impressionnisme, de la lumière et des couleurs de l’impressionnisme. Mais on y meurt, aussi, comme le racontait le romancier Michel Bussy en 2011 dans une œuvre éponyme. Les Nymphéas Noirs étaient réputés inadaptables, selon les dires de leur créateur : le scénariste Fred Duval et le dessinateur Didier Cassegrain (dont on salue la pratique émérite du pastel gras et de l’usage des couleurs à l’ancienne) relèvent le défi, et tracent des parallèles entre l’univers du romancier et un conte pervers d’amour, de sensualité, et de mort. Trois parcours de femmes éclairent les crimes, et le trésor perdu de toiles de maître égarées attisent la cupidité humaine. On relève l’habileté de Duval à gérer des techniques éminemment cinématographiques (les interventions en off des protagonistes de l’histoire) et une manipulation du public hitchcockienne, mais on reste surtout confondu par la maîtrise de Cassegrain tout au long de ces 140 planches. Ce dernier parvient à s’inspirer de l’univers de l’un des plus renommés peintres français, sans pour autant le singer, ni en caricaturer les fulgurances ou la monomanie (peindre les fleurs de son jardin). De la toile aux cases, le passage de relais est sans faille.

DIDIER CASSEGRAIN, FRED DUVAL, MICHEL BUSSI

Nymphéas noirs

Collection Aie Libre/Éditions Dupuis, 156 pages