NICE JAZZ FESTIVAL 2022

LE NJF RENOUE AVEC LE MOUVEMENT

Après deux éditions figées respectivement au Théâtre de Verdure, puis sur la scène Masséna, l’édition 2022 retrouvait ses deux lieux qui redonnent à cet événement la couleur d’un festival, ce mouvement qui permet aux curieux de découvrir des artistes absents de leur discothèque ou qui ne leur sont pas proposés par les algorithmes. D’autant que cette année, l’ambition était affichée : au Théâtre de Verdure « la scène 100% jazz », face à Masséna qui proposait une grande diversité (disparité ?).

PAR CHRISTOPHE JUAN   PHOTOS Z@IUS/NEXT MOVEMENT

MASSENA

La grande scène a malheureusement cumulé les problèmes sonores en oubliant parfois certains instruments en route, mais surtout en abusant d’une puissance surdimensionnée pour le lieu. Cela a débuté par une petite déception, avec Lady Blackbird, loin de la classe et du charisme annoncés de toutes parts. Pourtant Masséna nous a offert de grands moments avec The Brooks et la qualité de ses musiciens au funk ravageur, suivis d’une Fatoumata Diawara envoûtante qui a fait chavirer le public sur le redoutable « Soba » avant de rappeler : « le jour où la musique s’arrête, la vie s’arrête ».

L’énergie de l’Hypnotic Brass Ensemble est très communicative. La bande de Chicago n’a certes pas la rigueur des combos de la Nouvelle Orléans, mais sa rythmique puissante donne une sonorité urbaine à sa musique. Les cubains de Cimafunk laisseront une belle trace dans les esprits. La production moderne de leurs albums est trompeuse. Sur scène, le combo affiche une perfection propre à beaucoup de musiciens cubains. Bolero ou son cubain modernes se transforment en un tour de cuivres, en des thèmes funk endiablés. Le combo maîtrise l’art de la scène avec panache. Les musiciens dansent à l’unisson et groovent à la perfection. Le bonheur se lit sur leur visage et toutes ces bonnes vibrations se transmettent immédiatement au public : une vraie « claque ».


Marcus Miller n’a pas déçu non plus, en nous gratifiant notamment d’une reprise de « Bitches Brew ». Le bassiste était accompagné d’une nouvelle formation dans laquelle on notait la présence de Tom Ibarra à la guitare. Ce dernier avait débuté l’une des soirées du festival, il y a quelques années, avec son album solo au Théâtre de Verdure : une belle progression.

THEATRE DU JAZZ

Le Théâtre de Verdure offre un cadre qui se prête aux sonorités de la note bleue. L’acoustique, la visibilité : tout concourt à offrir de belles soirées et de beaux souvenirs. Dommage que les musiciens qui accompagnent les têtes d’affiche ne soient pas annoncés sur le site du NJF, car il y aurait certainement la possibilité d’attirer un public de jazz connaisseur encore plus large. Nduduzo Makhathini et son jazz fin et spirituel se présentait ainsi en compagnie de Logan Richardson, le saxophoniste au son limpide qui a déjà signé des albums très intéressants sous son nom.

Emile Parisien s’est lui présenté entouré de Manu Codja, Nasheet Waits ou Theo Crocker. Ce dernier aurait mérité de présenter son dernier album, le très réussi Blk2life A Future Past. Christian McBride qui clôturait cette première soirée reste un modèle rythmique et son vibraphoniste Warren Wolf impressionne par son jeu puissant.

Samy Thiébault a fait chanter le public sur « Awé ! », titre éponyme de son dernier album, comme une prière pour attirer le bonheur sur terre et soutenir ses amis qui subissaient les incendies sur la côte bordelaise. Comme un écho à cette actualité, le pianiste de Philly, Kenny Barron signait une magnifique version du « Fragile » de Sting.

Le lendemain, la batterie était à l’honneur avec Anne Pacéo, (bien) entourée par Marion Rampal ou Christophe Panzani et son jazz chamanique, suivie des belles mélodies d’Avishai Cohen, revenu à ses fondamentaux à la contrebasse et qui a toujours du flair pour dénicher de nouveaux talents. La jeune batteuse qui l’accompagnait, Roni Kaspi est clairement un nom à retenir. Tout comme celui du pianiste Yessaï Karapetian, fraîchement primé d’un Jazz Award. Le marseillais était visiblement heureux de se retrouver sur la scène du Nice Jazz Festival où il venait il y a quelques années encore en simple spectateur. Gérard Clayton n’est plus une découverte : c’est l’un des pianistes les plus talentueux de ces dernières années. Son jeu reste d’une finesse incroyable. Sa main gauche caresse le Steinway pendant que la droite frappe le Fender : magique. Pour parachever cette soirée, Melody Gardot était très attendue. Le Théâtre de Verdure affichait d’ailleurs complet. Dommage que le mur du son de la scène Masséna n’ait pas permis de profiter pleinement de son set intimiste avec le pianiste Philippe Powell. La chanteuse a parfois eu l’impression « d’être dans un club de jazz… planté au milieu d’un stade de foot ». Quel dommage !

Le dernier soir, Youn Sun Nah, timide lorsqu’elle s’adresse au public, mais tellement fascinante quand elle chante, a subi le même sort. Lorsque la scène Masséna démarra, la chanteuse lança avec un sourire gêné : « Bonjour Mr. Iggy Pop ». Ce qui ne nous empêcha pas d’être subjugués par sa version de « Killing Me Softly », accompagnée de sa seule boîte à musique.

La belle et la bête se faisaient face, et c’est bien la belle qui aura rallié nos suffrages.