JAZZ A JUAN

MELODY EN MODE ROMANCE

PAR ROMAIN GROSMAN

PHOTO GILLES LEFRANCQ/OFFICE DU TOURISME ANTIBES JUAN-LES-PINS

Le lendemain du triomphe des Bleus, Juan a été privé de sa fête par une maudite tempête, brève, mais ravageuse. Pas de Chic featuring Nile Rodgers ni d’Earth Wind & Fire (les vrais, avec Philip Bailey, Verdine White et Ralph Johnson) … Mais place au jazz, dès le lendemain, avec Tigran Hamasyan, pour un set en solo, ramassé, introspectif, un peu terne, qui occulte le versant atavique de ses racines. Vue dans la Pinède il y a peu, dans un tout autre registre, Melody Gardot à l’art de se réinventer. On a beaucoup écrit à propos de son talent de chanteuse, de son art de la nuance, de ses compositions élégantes – un sens mélodique qui lui a déjà permis de signer quelques classiques -, on la découvre ici, dans un set placé sous le signe de la romance. Sans ornements ni digressions. Sur un fil, ni sentimentaliste, ni ostensiblement charmeur, la Gardot (souvent au piano), soutenue par des cordes, se love dans un mood à fleur de peau, touchant et envoûtant.

Le lendemain, en trio, Chick Corea, avec John Pattitucci et Dave Weckl, alterne avec allant et une humeur joueuse des pièces de Duke Ellington, de Scarlatti, ou des compositions personnelles et ne fait pas son âge. Amoindri, à court de souffle, le saxophoniste David Sanborn qui lui succède peine beaucoup à séduire ceux qui chérissait en lui un son rhythm’n’blues hérité des Junior Walker et autre Hank Crawford, ou la séduction instantanée de ses effusions funky des années de collaboration avec Marcus Miller. Même pulsé par le tandem Ben Williams (basse) et Billy Kilson (batterie), ses chorus écourtés et sans ampleur, sur des reprises de Michael Brecker, ne purent faire illusion.

Lenny Kravitz en ouverture, Marcus Miller et Selah Sue, Ibrahim Maalouf et Angélique Kidjo, ou Norah Jones sur la fin : la Pinède alterne avec succès jazz et musiques cousines avec justesse, année après année, quand beaucoup d’autres festivals estampillés jazz basculent dans des programmations de moins en moins cohérentes et qualitatives… A méditer…