SWING DO BRASIL

PAR FRANCISCO CRUZ

Influence majeure pour la plupart des musiciens importants du Brésil, au même titre que Tom Jobim ou Joao Gilberto, le remarquable pianiste et compositeur João Donato a signé une fructueuse carrière de plus d’un demi-siècle, semée de contrastes, d’improvisations et d’une centaine de disques. Donato a très peu joué à Paris…

Aux États-Unis et en Europe, on confond souvent bossa nova et jazz brésilien. Joao Donato jouait du jazz avant même la naissance de la bossa. C’est à la fin des années cinquante, à Rio de Janeiro, que le natif d’Acre rencontrait Jobim, Gilberto, Johnny Alf, la crème de la bossa.
« Nous étions jeunes, à peine sortis de l’adolescence, très inquiets de la situation dans notre pays et la tête pleine de projets ! Quelques années après, je suis parti pour les États-Unis, plein d’espoirs ».Donato a quitté le Brésil juste avant l’arrivée de la dictature (en 1964), parce qu’il voulait aussi jouer du jazz, « me frotter aux musiciens américains, fréquenter les Charlie Parker, Miles Davis, Gerry Mulligan, Stan Kenton ». Bud Shank fut le premier jazzman à l’inviter en studio sur le disque Bud And His Brasilian Friends. Ensuite, ce fut Claus Ogerman, pour le premier disque solo d’Astrud Gilberto, puis une série de brésiliens qui arrivaient à Los Angeles : Tom Jobim, Eumir Deodato, João Gilberto, Doryval Caymmi. À l’époque, Donato avait un trio avec Ralph Peña (basse) et Chuck Flores (batterie), pour les accompagner.

« Contrairement à mes expectatives, le jazz était une musique confidentielle, qui se jouait dans un petit circuit. Il n’y avait pas beaucoup de travail », se souvient-il aujourd’hui. Par contre, les orchestres latins jouaient partout et beaucoup des grands musiciens de jazz se produisaient dans ces formations. Donato lui-même intégra les orchestres de Tito Puente, de Mongo Santamaria, de Cal Tjader, d’Eddie Palmieri. Une période fructueuse : « J’ai appris le tumbao afro-cubain et incorporé ces répertoires à mon propre style de swing brésilien ». Jusqu’à ses 40 ans, Donato a essentiellement joué de la musique instrumentale. Lorsqu’il revient des États-Unis, on lui suggère de chanter. Il enregistre l’album Quem é Quem, un grand succès. Depuis, sa discographie s’est enrichie de nombreux disques chantés et de plus rares sessions instrumentales. Car, au Brésil « la musique instrumentale plait à une minorité, tandis que les chansons parlent à un large auditoire ». Pendant toutes ces années, les meilleurs auteurs ont écrit pour lui : Gilberto Gil, Caetano Veloso, Chico Buarque.

Aujourd’hui, Joao Donato va très peu aux concerts, car les nouveaux jazzmen « n’ont pas la force de proposition ni le génie de mes idoles, Charlie Parker, Stan Getz, Miles Davis, John Coltrane, Horace Silver, Dizzy Gillespie ou Art Tatum. Il y a aussi beaucoup d’imitateurs, dotés d’une technique épatante, mais aucune musique forte à proposer. J’aime Keith Jarrett, mais il a tellement de talent, il est tellement prolifique, qu’il tombe dans l’excès. Je préfère les choses plus simples, qui vont à l’essentiel. »Donato aime aussi jouer d’autres claviers, de l’orgue, des synthétiseurs et du piano électrique. Au Japon, il a enregistré A Bad Donato à l’époque des premiers synthés. Il s’y était rendu, invité par Sergio Mendes, pour jouer avec le groupe Bossa Rio. « J’y ai rencontré le directeur du label Blue Tamp qui m’a offert d’enregistrer pour sa compagnie, le répertoire de mon choix avec les instruments de mon choix. Je ne me suis pas privé côté claviers, et le disque a connu un certain succès. » Selon le producteur Tony LiPuma, A Bad Donato fut assez important dans le contexte étasunien, car il aurait ouvert les portes des discothèques à la musique brésilienne.

À 85 ans et après avoir enregistré en acoustique avec les plus belles voix du Brésil (Joyce, Paula Morelenbaum, Marisa Monte, Céu, Tulipa Ruiz…), Joao Donato publie un nouvel album en compagnie de jeunes musiciens paulistes intitulé Donato Eletrico. Toujours branché, le Maestro !

JOAO DONATO

Donato Eletrico

20 NOVEMBRE, A PARIS/NEW MORNING