FATOUMATA DANS LE VOL DU BOLI

AFRIQUE-EUROPE : une histoire de migrations

PAR FRANCISCO CRUZ

Dans la continuité du succès de Lamomali – le projet ethno-pop avec M et Toumani Diabaté – et de Fenfo, son dernier album personnel. la chanteuse et actrice malienne Fatoumata Diawara revient à Paris au centre d’un spectacle exceptionnel : « Le Vol du Boli ». Conçu par le cinéaste Abderrahmane Sissako et Damon Albarn, il raconte le parcours d’un boli, fétiche animiste malien, entre Afrique et Europe du XIIe au XXIe siècle. Une histoire de l’Empire mandingue – le plus vaste que l’Afrique ait connu, fondé au XIIIe siècle- à nos jours, en passant par la colonisation, jamais vraiment finie.

Depuis Fatou, son premier album, le monde a évolué de façon vertigineuse. La migration et l’errance touchent les africains de plein fouet. Les nouvelles chansons de Fatoumata évoquent le départ ; partir inspire son nouvel album et ce nouveau spectacle évoque une migration ancestrale.

Fatoumata est partie d’Afrique très jeune. Heureusement, Fatoumata a été accueillie avec amour par des gens qui l’ont adoptée, aidée à avancer dans la vie et donnée la confiance nécessaire pour réaliser ses rêves. « Aujourd’hui mes frères sont regardés avec du mépris : on leur rappelle à chaque instant qu’ils ne sont pas chez eux, qu’on ne veut pas d’eux. J’essaie de me mettre à leur place et d’imaginer la douleur qu’ils éprouvent de cette double déchirure : quitter les siens et essuyer le rejet des autres.»

Son disque Fenfo est une autre façon d’aborder le thème de la migration, c’est comme une invitation à ne pas partir. « Les médias ont donné une fausse image de l’Afrique. Contrairement à ce qu’ils disent, et malgré la guerre de religion, il se passe beaucoup de bonnes choses là-bas. On n’est plus au temps de l’esclavage, ni de la colonisation. Avant de monter sur les bateaux, nos jeunes sont des personnes qui ont reçu et donné de l’amour, qui ont une éducation et savent respecter les autres, ils ont juste envie de vous connaitre. Ils ne sont ni des bandits, ni des méchants, ni des esclaves. Ils sont juste des êtres humains, comme vous.»

On pourrait penser que les jeunes africains sont souvent embarqués dans une histoire qui n’est pas la leur. Éveiller des consciences chez les jeunes est une tâche noble et parfois ardue. « La jeune génération prend comme exemple les afro-américains, fume de l’herbe et fait du hip hop de façon très maladroite. Il y a aussi beaucoup de filles qui se dépigmentent la peau, pour avoir le teint clair, et se brulent les cheveux pour les avoir lisses et blonds ! C’est triste… Il faut que l’Afrique réapprenne à s’aimer, à se valoriser pour ce qu’elle est. Pour gagner le respect des autres, les jeunes africains doivent d’abord apprendre à s’aimer et à aimer leur culture et leur histoire.»

Réapprendre la véritable histoire africaine, celle de leurs ancêtres, et retrouver une identité, s’avère un défi passionnant pour les jeunes. Sortir de l’aliénation inoculée par la colonisation occidentale…« Les occidentaux sont venus en Afrique pour faire ce qui convenait à leurs intérêts. Ce temps est révolu, et les jeunes africains sont libres d’écrire leur histoire. Ils doivent aujourd’hui assumer cette responsabilité.»

LE VOL DU BOLI

LE 7, 8 ET 9 OCTOBRE, PARIS/THÉÂTRE DU CHÂTELET