WES MONTGOMERY-PIERRICK PÉDRON-LOGAN RICHARDSON-AVISHAI COHEN

JAZZ SPECTRUM

PAR CHRISTIAN LARRÈDE

De quoi le jazz est-il désormais le nom ? Balade buissonnière dans le temps, tentative de réponse…

Hier, il était une fois un doux guitariste, soucieux de la tranquillité de sa petite famille, et qui ne répétait dans sa cuisine qu’en utilisant son pouce. À ce prix-là, Wes Montgomery définit une technique et un son épatants de sensualité. En 1965, suite à quelques dates londoniennes, il rassemble autour de lui en résidence allemande rien moins que Johnny Griffin et Ronnie Scott (ténors), ou l’immense Martial Solal. Le concert qui conclura le séjour reste un sommet stylistique et une merveille d’équilibre empathique. À noter la présence d’un émouvant dvd rendant compte des répétitions.

Aujourd’hui, Pierrick Pédron célèbre son 50ème anniversaire, et comme son carnet d’adresses est copieusement rempli, il convie à la fête entre autres le contrebassiste Larry Grenadier ou le batteur Marcus Gilmore. Le saxophoniste alto délivre ici, produit par Daniel Yvinec, un album acoustique, nous promettant de brancher l’électricité lors du deuxième volet. Dans l’urgence de deux jours de studio, la spontanéité de rodéos harmoniques chaleureux ou émouvants (le drame humain de la rue de Trévise), l’album présente un leader au faîte de la créativité, et on est bien heureux de constater que le jazz, c’est aussi cela : tonique, en prise directe avec la pulsion de la ville, et totalement sincère.

Demain, considéré comme un saxophoniste particulièrement doué, Logan Richardson incarnera peut-être la synthèse magique entre George Clinton et Sun Ra. Mais, pour l’heure, l’originaire de Kansas-City enregistre un cinquième album où se bousculent hommages (Anthony Braxton), intermèdes à foison, et kaléidoscope esthétique (du rhythm and blues au rock psychédélique, en passant par un poignant lyrisme propulsé par un ensemble à cordes – qui n’est pas sans rappeler Kamasi Washington – ou les fondamentaux du hip hop). Le garçon, frère de combat artistique de Matana Roberts, a récemment déclaré : « Le jazz changera constamment, car nous changeons constamment ».

Pas jadis ni dans le futur, Avishai Cohen situe le jazz de son dernier album en date, où il est accompagné, par sa garde rapprochée certes (le batteur Mark Guiliana), mais également d’un orchestre symphonique, délibérément ailleurs. Le contrebassiste israélien y invente un univers en propre, où scintillent les influences de son pays natal, les rythmes afro-caribéens, le romantisme slave et les scansions moyen-orientales. Le résultat (comme une luxuriance cinématique) s’apparente à la bande originale d’un film imaginaire, parfois péplum triomphant, parfois rencontre intimiste sur pellicule. L’album répond alors à cette ultime question : si l’on ne sait pas où est le jazz, c’est qu’il est partout.

WES MONTGOMERY
The NDR Hamburg Studio Recordings
(Jazzline Classics/Socadisc)

 

 

 

 

 

PIERRICK PEDRON
Fifty-Fifty (1) – New York Sessions
(L’Autre Distribution/Gazebo)

 

 

 

 

LOGAN RICHARDSON
Afrofuturism
(Whirlwind Recordings)

 

 

 

 

 

AVISHAI COHEN
Two Roses
(Naïve/Believe)