TONY ALLEN & HUGH MASEKELA – « REJOICE »

une merveille s’éveille

PAR CHRISTIAN LARRÈDE

Rencontre unique entre le théoricien de l’afrobeat et compagnon de Fela et une figure éminente du jazz d’Afrique du Sud, ardent militant des droits de l’homme.

Dix années auront été nécessaires pour que cet album soit édité, malgré des sessions inachevées, et le décès d’un cancer en 2018 du joueur de bugle et trompettiste Hugh Masekela, qui combattit l’apartheid au côté de son épouse la chanteuse Myriam Makeba. Le jazzman et le batteur avaient fait connaissance durant les années 70 à Lagos, au domicile de Fela Kuti, et avaient mis à profit, 40 ans (!) plus tard le croisement de leurs tournées respectives en Grande-Bretagne, pour graver une huitaine de compositions originales. Ils sont alors soutenus par quelques jeunes turcs de la génération montante du jazz anglais, dont le claviériste Joe Armon Jones. Mais les deux ne se sont jamais retrouvés, et c’est après la disparition de Masekela et avec l’assentiment de sa succession qu’Allen (le plus parisien des Nigérians) s’est résolu à finaliser les bandes exhumées. Et a posteriori à faire rager tous ceux qui auraient adoré de jouir de cette musique sur scène. Le morceau d’ouverture (« Robbers, Thugs and Muggers (O’Galajalani »), chanté en zoulou par le trompettiste, emprunte la dialectique vindicative et révolutionnaire de Fela, un Fela également présent dans « Never (Lagos Never Gonna Be The Same) », et plus généralement dans l’esprit, tout au long de l’album. La plupart du temps simplement accompagnée par la contrebasse de Mutale Chashi ou de Tom Herbert, la paire rend également hommage à une figure afro-américaine (« Obama Shuffle Strut Blues », et ses percussions enchantées), et, dans un esprit manifeste de fraternité, offre involontairement un hommage posthume à Hugh Masekela. Triste, mais beau.

TONY ALLEN & HUGH MASEKELA

Rejoice

(World Circuit Records/Bmg)

AFRO-JAZZ