SUICIDE – « SUICIDE »

ELECTRO FAUCHEE ET CHANTS ZOMBIESQUES

PAR CHRISTIAN LARREDE

L’auteur de ces lignes en convient humblement : à la parution de ce premier album du duo (décembre 1977) et sa première écoute, il ne saisit à peu près rien aux crissements, feulements et vénéneuses imprécations d’Alain Vega et Martin Reverby. 

On était alors par trop mobilisé par les Ramones et autres Television pour se préoccuper d’un duo de vieux punks (Vega est à l’époque presque quadragénaire), apparemment abonné à cette série z de la scène arty newyorkaise impitoyable, sans guitare et aux morceaux parfois interminables (« Frankie Teardrop », authentique acmé du groupe, affiche plus de dix minutes). Les années passant, et après s’être raccroché aux branches (un chant comme un écho du « Sweet Gene Vincent » immortalisé la même année par Ian Dury, une boîte à rythmes sur les jantes, des synthétiseurs en menace permanente, et, partout, la réverbération à laquelle s’abreuvait le minimalisme de Can ou Neu !), on apprit que l’on pouvait mêler avant-garde, pop et rock, et s’en moquer, sept chansons durant. Aujourd’hui réédité en vinyl rouge incluant un fort livret mais sans pièces inédites (c’est la politique de la collection Art Of The Album), Suicide le disque, enregistré en quatre jours et produit par Martin Thau et Craig Leon (soit successivement le manager des New York Dolls et le découvreur de Blondie) fut qualifié par une certaine presse d’absolument puéril et insane, et ailleurs considéré comme un enregistrement historique. Il reste aujourd’hui une collection essentielle qui permit l’improbable appariement entre le blues américain et les recherches sonores du krautrock, le Velvet Underground et un rockabilly suintant, sur fond d’électroniques fauchées et de chants zombiesques. Et il démontre que dans le rock, rien ne sert de comprendre : il suffit parfois de simplement ressentir.

SUICIDE

Suicide

(Mute/Bmg)

ROCK