RYUICHI SAKAMOTO – « ONGAKU ZUKAN »

 Nous avons suivi son parcours musical durant plus de 30 ans. Tant sa musique nous paraissait toujours fascinante. Nous l’avons rencontré pour la dernière fois en 2015 à Paris, et nous avons suivi ses interventions urgentes sur internet, lors des confinements abusifs subis par la planète entière.

Sakamoto, le musicien le plus important du Japon des quatre dernières décennies, par sa créativité et son esprit trangressif, nous a quitté cette année. La réédition de cet album séminal, apparait soudain comme un très bel hommage.

PAR FRANCISCO CRUZ

PREMONITIONS ELECTRONIQUES

Plus qu’une simple réédition bienvenue (CD et LP), par ce temps de dématérialisation absolue, on pourrait parler de première édition européenne de l’album paru au Japon en 1984 (sur School, le propre label de Sakamoto). En effet, l’édition internationale – titrée Illustrated Musical Encyclopedia – qui nous était proposée en 1986, avait exclus cinq morceaux de l’édition originale, et intégré deux autres pièces publiées en 1985 au Japon. Ainsi, nous pouvons ici découvrir aujourd’hui «Self Portrait», «Mori No Hito», «Tabi No Kyokuhoku», « A Tribute Yo N.J.P » et une version inconnue de «Tibetan Dance» – ce qui dupliquera le plaisir dansant en évoquant la terre de prédilection des boudhistes.

Après le retentissant succès mondial de la B.O du film Furyo – où Sakamoto joue un rôle majeur face à David Bowie -, et de fructueses collaborations avec David  Sylvian, cet album est alors le couronnement de ses recherches soniques au sein du Yellow Magic Orchestra et le situe au sommet de l’électro pop nippone de l’époque. Plus encore, car dans ce prémonitoire Ongaku Zukan, on retrouve un mélange d’ambient, de jazz, de funk et d’électro d’avant l’heure. A partir de là, la route musicale écrite ou improvisée du Sakamoto, pianiste acoustique ou claviériste électronique, sera toujours ascendante et en avance sur son temps. Un précurseur invétéré. 

Rétrospectivement, en réécoutant ses musiques de film (collaborations avec des cinéastes aux esthétiques aussi différentes que Oshima, Bertolucci, Almodovar ou Gonzalez-Iñarritu), ses performances discographiques avec des musiciens brésiliens (Caetano Veloso, Marisa Monte, Vinicius Cantuaria, Cyro Baptista, Paula et Jaques Morelenbaum…), et la collection chromatique et polymorphe de ses explorations musicales personnelles, Ryuichi Sakamoto est un génial créateur dans le monde de la musique populaire contemporaine. 

Sa disparition laisse un vide évident, de même que celle de Wayne Shorter dans l’univers du jazz. Si l’on ajoute aussi celles de Chick Corea et Ahmad Jamal, 2023 restera comme un moment charnière pour les musiques que l’on aime.

RYUICHI SAKAMOTO

Ongaku Zukan

(WeWantSounds/Modulor)