NGUYÊN LÊ – « SILK AND SAND »

Le silence et l’enfermement subis par tous les musiciens du monde, auront permis à certains une réflexion profonde sur leur rôle dans la société humaine, à d’autres l’ouverture d’une perspective « écologique » pour le traitement de leur propre matériau musical. Le guitariste franco-vietnamien revient sur les platines (et à la scène) avec un nouvel album qui, au cours des plages, renvoie sur différentes périodes de sa prolifique recherche sonique. Evocations sans répétition. 

PAR FRANCISCO CRUZ   PHOTO  SIMON BOURRAT – NATHALIE ROZE

 

EVOCATIONS SEREINES

Soyeux ou arides, les chemins empruntés par Nguyên Lê ont toujours été multi-directionnels et fertiles. Silk And Sand reprend (d’une nouvelle manière) la route à double sens qui relie les jungles asiatiques aux dunes africaines. Chez lui, elle traverse parfois les Antilles, soudain l’Europe méridionale, souvent le nord américain, sans jamais emprunter la même voie. Ni dans sa progression, ni dans ses étapes.

A presque quarante ans de l’éruption Ultramarine sur les scènes françaises, Silk And Sand renvoie quelque part dans le désert nord africain, et réveille l’évocation de trois séances enfiévrées dans un studio du sud parisien, lors de l’enregistrement d’un album qui a fait date par son énergie et sa richesse transculturelle. La plus immédiate évocation générée par ce nouvel album est en effet l’enregistrement de Maghreb And Friends, avec la déferlante poly-rythmique déchainée alors par le batteur Karim Ziad. 

Trois décennies plus tard, c’est au tour du percussionniste Rhani Krija d’apporter au compositeur-guitariste un set bien rempli de nouvelles idées, percussives aux tambours, pincées au guembri, et vocales. Entre les deux, le contrebassiste Chris Jennings, associé à Lê sur plusieurs projets, joue avec plasticité et justesse, la liaison avec l’univers mélodique et les recherches harmoniques du leader. Un rôle qu’il connait parfaitement depuis sa participation au brillant ensemble de l’oudiste tunisien Dhafer Youssef, avec Mark Giuliana aux drums.  

Débutant par un fulgurant raid sur les sentiers de «Red City » (qui suggère les terres maliennes), Silk And Sand se conclue sur le sage message «Becoming Water» (origine du tout vivant). Et si la «Tiger’s Dance» rappelle des rituels ancestraux orientaux, «Baraka» renvoie directement aux loges d’un marché poly chromatique sur-saharien (où Lê retrouve son ancien complice Etienne M’Bappé). «Moonstone» et «The Desert Dawn» sont autant d’images sonores aux résonances spirituelles tangibles. Après tant de rencontres avec des musiciens de cultures différentes, des jazzmen américains, scandinaves ou italiens, en passant par des chanteurs de raï et des chanteuses asiatiques, la musique de Nguyên Lê s’est enrichie de toutes ces expériences. Et la fougue rock qui autrefois prenait le dessus dans son jeu de guitare s’enrobe davantage de sérénité et de contemplation.

Silk and Sand, comme un éternel retour, que la peinture de la couverture de l’album souligne avec beauté.

NGUYÊN LÊ

Silk And Sand

(Act)