MOONLIGHT BENJAMIN – « SIMIDO »

LIQUEUR FORTE

PAR CHRISTIAN LARRÈDE

Deux ans après un premier effort ( Siltane, en 2018), retour de la prêtresse vaudou haïtienne et vraie pirate des Caraïbes, avec dix chansons-brûlots, évocatrices d’une île exsangue, et des combats que la situation implique.

Rendons grâce à Moonlight Benjamin de ne pas succomber aux sirènes de l’ethnomusicologie, elle qui, lorsque cela l’enchante, croise le fer avec le saxophoniste guadeloupéen Jacques Schwarz-Bart, ou le pianiste cubain Omar Sosa. Et saluons la mémoire qu’elle chérit, celle d’Haïti martyrisée, sous la coupe des gangs, sous-développée et victime de la corruption, mais toujours vibratile en son imaginaire déiste, rythmique et violent. Tout ce qui précède constitue le parfum de Simido, écrit par la princesse créole, et composé à quatre mains, en compagnie du guitariste et claviériste Matthis Pascaud. Et c’est cet appariement, ce double métissage culturel et sexué, qui distillent la liqueur forte de l’album. Comme une pulsion entre la cosmogonie haïtienne, les rythmes qui la sous-tendent, et un blues sale et électrique, tel que put en concevoir Stevie Ray Vaughan au fin fond du Texas, et naturellement, plus en amont encore, l’empereur du boogie hypnotique John Lee Hooker, font de ce disque un témoignage de colère parfaitement original. Le rock imprécateur et prescripteur de Moonlight Benjamin, bande musicale d’une cérémonie de transes, prend racines dans l’art vindicatif de Patti Smith. Mais la puissance de l’inspiration, ce pont jeté entre deux cultures, et l’orgueil d’une tête que l’on relève encore et toujours, ne doivent qu’à cette digne héritière de Toussaint Louverture.

MOONLIGHT BENJAMIN

Simido

(Ma Case/Absilone)

ROCK VAUDOU