MIRIAM MAKEBA – « PATA PATA »

MAMA AFRIKA

PAR CHRISTIAN LARREDE

Un petit bout d’Humanité, l’écho d’un combat acharné, artistique mais pas uniquement, et l’accent mis sur la plus grande voix du continent africain : la réédition (la version en stéréo succède aux pistes monos) de cet album emblématique s’avère bien davantage qu’une simple réimpression…

En son parcours citoyen, et sa lutte anti-apartheid, la première artisane d’une world-music englobant ses racines sud-africaines, le déhanchement cubain ou le jazz, dotée d’une voix extraordinaire emportant toutes minauderies sur son passage, devient dans les sixties le symbole des luttes panafricaines, mais également du refus du racisme américain. Miriam Mama Afrika Makeba a en effet été en 1959 contrainte à l’exil, un éloignement qui perdurera plus de trente années, en fait jusqu’à la remise en liberté de Nelson Mandela. Entre temps, la chanteuse avait enregistré le premier tube panafricain (« Pata Pata », présent ici, et qui fut adapté en français par Sylvie Vartan sous le titre « Tape Tape »). Celle que l’on considère comme l’Impératrice de l’Afrique est également détentrice du premier Grammy Award jamais remis (en 1966, et grâce à un duo avec Harry Belafonte) à une Sud-Africaine, ancienne épouse du trompettiste Hugh Masekela, puis du premier ministre honoraire des Black Panthers Stokely Carmichael, compagnonne de Paul Simon dans l’aventure musicale de l’album Graceland, et, très officiellement, citoyenne d’honneur de la République Française en 1990. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la musique naît de tout ce qui précède : le chant voilé, parfois à la limite de la rupture, la prédominance de quelques guitares, acoustiques et discrètes, et d’une profusion de percussions, les chœurs féminins, en réponse presque systématique, comme des sœurs en harmonies, tout se nourrit de la terre lointaine, de la vague folk de l’époque, et de la conviction d’un juste combat. Artistiquement, et humainement, la musique de Pata Pata est habitée. Encore une fois, un chef d’œuvre.

MYRIAM MAKEBA
Pata Pata
(Strut Records/Differ-Ant)
WORLD