MÉLANCOLIQUE AMÉRIQUE

PAR CHRISTIAN LARREDE

Par ses miniatures kaléidoscopiques, sa capacité à clamer (et réclamer) son affection pour Springsteen et, simultanément, le jazz ou Gatsby Le Magnifique, Lana Del Rey est (grâce à l’album Born To Die, en 2012) immaculée comme la surf music, troublante comme Presley, ou matoise comme Dylan.

Sur la vaste scène de la chanson-business, son lyrisme et une écriture stylisée ne laissent que peu de survivants. Lana Del Rey incarne l’Amérique. Mais, par l’irrévérence de l’intitulé de son 5^ème album (on peut raisonnablement considérer Norman Rockwell comme le peintre archétypal d’un pays idyllique, mais disparu), des chansons qui rappellent en mode crépusculaire que le rêve est révolu, la synthèse qu’elle édifie entre inspiration baroque et pop-folk onirique ou trip-hop vénéneux, Elizabeth Woolridge Grant n’est plus l’Amérique, à qui elle tend un miroir grimaçant, grâce la magie de ses mots. Car Lana Del Rey peut désormais revendiquer le statut de l’un des plus importants auteurs-compositeurs de sa génération. Sous emballage iconographique incluant un(e) geste désespéré(e) – elle pose dos au drapeau – capté(e) en compagnie de Duke Nicholson (petit-fils de Jack), elle parvient à l’acmé de son personnage, mélancolique mais lucide, amoureuse mais sans illusion pour l’époque. Un album qui convoque la mémoire des bonheurs égarés, et des coups de tête dans les murs qui vont avec.

LANA DEL REY

Norman Fucking Rockwell !

(Polydor)

pop