FAIROUZ – « MAARIFTI FEEL »

LE GROOVE ET LA DIVA

PAR CHRISTIAN LARRÈDE

Poursuite de la politique de rééditions (en vinyle remastérisé) des très riches heures de la plus éminente des chanteuses libanaises, avec un album initialement publié en 1987, et qui confortait alors Fairouz dans le statut d’artiste passerelle entre les cultures, les sensibilités, les expressions.

L’histoire est connue : après avoir initialement bâti sa carrière en compagnie de son époux, le compositeur et chef d’orchestre Assi Rahbani, la chanteuse libanaise se sépare de son mentor, pour confier sa destinée artistique à son fils Ziad. Le virage ne se fait pas attendre vers des textes franchement explicites, et des partitions qui tentent (souvent avec succès) l’appariement entre les rythmes orientaux classiques, voire traditionnels, et le jazz, et même une pulsation funky assumée, ou les préceptes d’une scansion disco. Après Wahdon, Maarifti Feek est, dans un registre identique, le deuxième disque conçu par la mère et son rejeton, crâne synthèse entre la virtuosité vocale de Fairouz et une inspiration occidentale, où règnent en maître les synthétiseurs. Certains brefs instrumentaux, utilisés comme intermèdes, évoquent le Brésil d’Eumir Deodato, d’autant qu’une adaptation du deuxième mouvement du «Concierto de Aranjuez» (ici rebaptisé « Li Beirut ») conforte l’analogie : la dramatisation de l’interprétation (et la science des mélismes de Fairouz), l’usage des cordes comme autant de soieries, et l’envolée des cuivres permettent de laisser figurer cette version aux côtés de celles de Miles Davis ou Paco de Lucia. Et confirment l’interprète comme une artiste majeure du Proche-Orient.

FAIROUZ
Maarifti Feek
(Wewantsounds/Modulor)
WORLD