CAMILLE BERTAULT – « LE TIGRE »

FELINE POUR L’AUTRE

PAR CHRISTIAN LARRÈDE

Dans ce troisième album, la jeune française ne s’appuie plus, comme dans le précédent, sur les incunables de glorieux aînés (de Bach à Gainsbourg en passant par Michel Legrand). Compositrice de tous les thèmes (à l’exception d’un emprunt au Prélude No. 4 en mi mineur de Frédéric Chopin, et d’une adaptation du « Dream Dream » de Jesse Harris), arrangeuse pertinente, et interprète culottée, elle signe ici une nouvelle production de la griffe du talent.

L’accordéoniste Daniel Mille ou le batteur Jeff Ballard jadis, Jacky Terrasson, les percussions de Minino Garay, ou le trompettiste et producteur Michael Leonhart aujourd’hui, ces prestigieux compères n’empêcheront pas (comme un passage sur les fonts baptismaux de la scène internationale grâce à un scat virtuose sur « Giant Steps » de Coltrane), de soigneusement éviter l’étiquette de chanteuse de jazz. Trop réductrice, la catégorie contraindrait à placer sous l’étouffoir une sensualité et une approche mutine, qui permet à la chanteuse de s’accaparer les soieries d’un electro racé, un funk dégingandé, de tendres ballades dénudées, ou la tradition de la chanson française versant cabarets de la Rive Gauche (« Je Vieillis »). Camille Bertault n’incarne décidément plus un curieux animal de la toile, ou une virtuose un peu vaine : elle campe désormais une artiste authentique, génératrice d’un univers en propre. Et quelle jubilation de l’entendre mettre ses capacités techniques et les couleurs de son répertoire au service de cet univers, nerveux ou coquin, entre sourire et morsure.

CAMILLE BERTAULT

Le Tigre

(Okeh/Sony)

CHANSON-JAZZ