BERTRAND BURGALAT- « RÊVE CAPITAL » … BAD LOSERS – « SOUTHERN STYLE »

   QUELQUES (JEUNES) GENS ÉLECTRIQUES

PAR CHRISTIAN LARRÈDE

De quoi le rock, la pop et la chanson français sont-ils désormais le nom ? Et ces étiquettes ont-elles encore un sens ? En un choix foncièrement arbitraire, investigation dans le passé et l’actualité du genre.

Débuter cet humble panorama par le deuxième album de Hi Cowboy (ex Catleya) équivaut peu ou prou à tirer une balle dans le pied de l’acrimonie. Car Syrile et Faro (double tête pensante du groupe, à la scène comme à la ville) font une musique trop charmante, mélancolique et nostalgique pour autoriser le moindre sarcasme. Alors, on prend tout, dans ce disque : le chant fragile comme put l’être celui d’Elli Medeiros, des guitares parfois surgies d’un Shadows’ songbook, et la crispation de certaines machines en réminiscence de Kas Product. Le couple surgit de sa cave et incite aux pérégrinations (« Va-t’en vite », « « Tout à l’Ouest ») ou à la défense des causes perdues (« Dans ma Bx »). Faussement naïf, et terriblement charmeur.

C’est un autre couple, rejeton d’un Vérone resté dans les mémoires comme l’archétype d’un folk acide et ténébreux, qui préside au coup d’essai de La Reine Garçon. Fabien Guidollet et Delphine Passant optent ici pour l’introspection, l’intimisme, et la légèreté diaphane des jours empoudrés de poussière dorée. Le rythme est lent et méditatif, les climats arachnéens et comme en apesanteur, et les vers d’une incontestable séduction, donnant le sentiment que l’on nous tient la main au mitan d’un conte de fées. Une ambiguïté plus tard (le morceau conclusif en écho évident à l’introduction, comme un mouvement perpétuel), on se souviendra que La Reine Garçon fut le surnom de Christine Reine de Suède, amoureuse d’une femme, mais devant un héritier à son pays. Dans cet album, et donc, rien n’est certain, et ce n’est pas là son moindre charme.

Dans la fête foraine de The Starphonics, on entraperçoit les ombres portées de Johnny Cash, Charlie Feather ou Link Wray, de la reverb comme s’il en pleuvait (et un écho bricolé à partir de bandes magnétiques), la sirène de « Riot in Cell Block No. 9 », et une fascination assumée pour les séries b (« z, itou »). Le groupe n’est pas nostalgique, car ils sont trop jeunes et pressés pour cela. Il préfère frayer avec la fièvre et la sauvagerie non édulcorée d’une musique âpre, sensuelle, et l’énergie des pionniers. La preuve par huit (trois reprises, dont la surprenante visite du « Summertime » de Gershwin) que le vintage peut être vibratile. Il semblerait que l’on appelle cela le rock’n’roll.

Pourtant, parfois le passé ressurgit, nimbé de regrets. C’est le cas de l’album (riche d’inédit et de live tracks, dont une rencontre avec Stiv Bators), partiellement produit il y a plus de 30 années dans le Surrey par Dave Goodman, ingénieur du son des Sex Pistols, des Toulonnais Bad Losers. Évoquer en ce qui les concerne le glam, les New York Dolls ou Marc Bolan, a toutes les apparences d’un truisme. Tout au plus doit-on également laisser filtrer la mention des Rolling Stones, et rappeler que, durant un temps et un temps seulement (1986/1987), ces Mauvais Perdants-là ont raflé, sur un mode déluré, la mise de la sauvagerie électrique hexagonale. Guitares acides, chant embrumé, disque roboratif.

Ce survol subjectif s’achève sur une notule triste : les disques de Bertrand Burgalat sont de plus en plus somptueux. Nul paradoxe ici, tant on s’interroge : cela va-t-il finir par se savoir, que ce maître-artisan ès pop est le plus considérable de sa génération ? Ici et encore une fois, le garçon ne ménage pas sa peine (14 pièces, une version instrumentale et trois remixes en un peu plus d’une heure), et ne laisse pas l’auditeur en panne d’affect, de sensibilité et de pertinence. Il emprunte leurs mots – et les déclame plus souvent qu’à son tour – à ses habituels paroliers (dont Laurent Chalumeau), après les avoir enchâssés dans des rêves d’Ennio Morricone, ou des songes de Michel Colombier, ou quelques mesures de musique savante européenne, et c’est dans la chanson-titre qu’il fait un sort au capitalisme libéral sur un hymne pour dancefloor effondré à la Merry Clayton. De la mélancolie irradiée, de la lucidité, et un inventaire cataclysmique : tout est dans tout, et tout est dans cet album, indispensable.

BERTRAND BURGALAT
Rêve Capital
(Tricatel)

 

 

 

 

 

BAD LOSERS
Southern Style
(Twisted Soul Records)

 

 

 

 

THE STARPHONICS
Wild Wild Lover
(Wita Records/Baco Distrib)

 

 

 

 

 

LA REINE GARCON
Same
(La Grange aux Belles/Modulor)

 

 

 

 

 

HI COWBOY
Cheval Metal
(Les Disques Carabines)