THE SUMMER PORTRAITS
Au moment où le populaire compositeur (et pianiste) italien présente son fils Léo au grand public – en l’invitant à recréer sa propre musique -, il s’avère opportun de revenir à l’écoute de son dernier album. Un sommet néoclassique, où le romantisme, le minimalisme, ainsi qu’une sorte de tarantella de chambre, se fondent dans une musique hybride aussi bien construite que plaisante aux oreilles, averties ou pas.
PAR FRANCISCO CRUZ
Le mystère Einaudi a fait couler beaucoup d’encre, et user pas mal de logiciels, mais il demeure intact. On peut se demander comment, aujourd’hui, un musicien issu du monde classique, parvient à remplir des salles de concerts dédiées à la pop music, partout dans le monde ? Ses derniers prestations en région parisienne, à guichets fermés (Bercy, La Seine Musicale, l’Arena de Nanterre) sont l’ultime preuve du phénomène qui, pour certains critiques, dépasse l’univers esthétique et devient une exception sociale aux connotations et résonances psychologiques.
Mais restons dans la musique. Toujours le même engouement, l’euphorie d’un public trans-générationnel, plutôt aisé, cultivé, au sens bourgeois du terme ; la passion pour une musique à la tonalité limpide, la fascination pour les cycles répétitifs que l’on peut mémoriser, anticiper et chanter comme des refrains d’un tube pop d’été. Comme il y a 20 ans, Ludovico Einaudi reste fidèle à sa conception de la musique, élégante, bien construite, dynamique et aisément assimilable. Un concept pop(ulaire) appliqué à des compositions aux fondements formels d’un classicisme indéniable.
Une musique «belle», au sens le plus romantique qui soit, une musique qui (selon la majorité des auditeurs) «fait du bien». Un baume à l’âme, un intervalle de paix, pour oublier un instant la cacophonie ambiante. Une musique néoclassique aux valeurs bien différentes de celles véhiculées par le post-sérialisme ou le hip hop, pour parler des extrêmes.
Voilà, une musique au centre, au registre médium, sans aspérités harmoniques ni décalages rythmiques, faite pour plaire sans faux-semblants. Dont ces souvenirs d’été sont le plus éloquent et ultime exemple. Car l’été, évoque la découverte de beaux paysages dans d’autres environnements, les vacances, les voyages, les nouveaux amours, la détente, l’oubli des obligations liées au travail et aux études. Un moment de lâcher-prise. Une mélodie d’abandon sur les vagues, en regardant le défilement des nuages, les couchers de soleil et le voyage des étoiles filantes.
Dans The Summer Portraits Einaudi active sa mémoire, évoque des souvenirs plaisants à la plage – «Punta Bianca» -, la brillance du soleil – «To Be Sun» -, le chant nocturne sous les étoiles – «Summer Song» – les rêves après l’amour – «In Memory of a Dream». Mais Einaudi évoque aussi le souvenir de Maria Callas et progresse ensuite via un énigmatique morceau (escale) à «Santiago». Lequel ? Compostelle pour les ibériques. Ou bien Santiago de Cuba, Santiago de Panama, Santiago du Chili ? A vous de choisir.
Après The Summer Portraits, dans une nouvelle variation, Ludovico invite son fils Léo à réinventer «Rose Bay», l’ouverture de l’album. Affaire de complicité à suivre.
LUDOVICO EINAUDI
The Summer Portraits
(Decca/Universal)