CECILE MCLORIN SALVANT – « GHOST SONG »

En ne succombant qu’à sa curiosité et à une exigence qui la distingue parmi ses contemporains, Cécile McLorin Salvant nous offre un nouvel enregistrement de grande qualité. Entre folk, blues et jazz, de mille nuances, son expression raffinée et solaire, illumine une session éblouissante – la première pour le label Nonesuch – pour la (déjà) détentrice de trois Grammy Awards.

PAR ROMAIN GROSMAN    PHOTO FRANCISCO CRUZ

SOLAIRE

L’intro – la reprise a cappella, sublime de délicatesse, du « Wuthering Heights » de Kate Bush -, donne le ton.

Le chant, l’interprétation de Cécile McLorin Salvant embrassent le spectre des émotions – « j’ai eu l’impression d’accepter mon étrangeté, de l’assumer » confie-t-elle à propos de ce recueil, dans une épure choisie : comme pour le titre de clôture de cette session, l’artiste a enregistré dans une église dans le mode du sean-nos (un chant ancien d’origine irlandaise, en solitaire, sur une ligne mélodique développée et ornementée sans accompagnement). L’intime, le tendre, le ravissant : sa palette s’est encore élargie, la chanteuse s’aventurant dans des chemins quasi liturgiques, sur des grandes orgues ou entourée de chœurs d’enfants, dansant sur les volutes d’une flûte, pour ressurgir vulnérable et légère sur des balades (avec le pianiste Sullivan Fortner, le guitariste Marvin Sewell), où la pureté de son timbre et une diction parfaite font merveille.

On passe de frissons en frissons, jamais les mêmes, certains teintés de surprises, d’émerveillement.

Par ces temps si chaotiques, les fantômes de cette session sont plutôt bienveillants, nous rappellent l’indicible beauté d’un art – le jazz, l’appropriation d’une histoire, avec sa propre singularité et l’infinité des possibles permise par l’assimilation d’une tradition, d’une histoire, portée par ses devancières dans le blues, le gospel -, qui nous extirpe de la médiocrité et de la noirceur lorsqu’il retrouve le chemin de l’excellence à ce point. Sept compositions originales et des reprises (« Optimistic Voices » de Gregory Porter, « The World Is Mean » extrait de L’Opéra De Quat’sous de Kurt Weill, ou « Until » de Sting) se combinent, se répondent, s’entremêlent dans un canevas, soigneusement brodé autour de textures d’une infinie subtilité.

CECILE MCLORIN SALVANT
Ghost Song
(Nonesuch/Warner)