MME EGLAL FARHI
Vers 23 h, sa frêle silhouette faisait son entrée, d’un pas soyeux et silencieux, depuis la rue des Petites-Écuries. Déposée par un taxi, Mme Farhi, même âgée, passait fréquemment faire un tour au « New », comme disent les habitués, d’abord les parisiens, mais depuis toutes ces années, un peu tout le monde. Elle fendait la foule pour rejoindre sa place, discrètement, avec juste un petit signe amical pour les visages familiers, comme pour ne pas gêner le spectacle. Par sa gentillesse, sa bienveillance, elle avait imprimé ici une atmosphère unique. Le New a accueilli les légendes du jazz, de la soul et du blues, avec modestie, simplicité et affection et sa fondatrice n’y était pas pour rien qui diffusait à toute son équipe et par contagion, aux musiciens, au public, une chaleur et une humanité qui lui ressemblait. Comme lui ressemblait la liste incroyablement éclectique et riche des artistes passés en ces lieux, de Dizzy Gillespie à Roy Hargrove, de Curtis Mayfield à Gil Scott Heron. En oubliant aucun style, aucune expression, le New était un reflet fidèle de l’actualité et de la mémoire des musiques du monde et de son époque, ouvrant ses portes au patrimoine du swing manouche, comme au hip hop émergent.
Mme Farhi s’est éteinte hier soir à son domicile de Neuilly à l’âge de 97 ans. Nos meilleures pensées accompagnent sa fille Catherine, qui a pris sa suite, et à toute l’équipe, d’hier et d’aujourd’hui, mobilisée pour faire vivre le New tel qu’elle l’incarnait, lieu de culture, de rencontres, de découvertes, et de (magnifiques) souvenirs… R.G.