CLAUDIA HERNANDEZ – « DEFRICHE, COUPE, BRÛLE »

DES FEMMES, REMPARTS DE LA LIBERTÉ

PAR FRANCISCO CRUZ

Nous sommes au début des années 80. L’Amérique Latine est gangrenée par les dictatures militaires, installées avec le concours de la CIA pour conforter le contrôle économique des compagnies étasuniennes sur les pays du sud. Le Salvador, pays le plus chaud de l’Amérique Centrale, brûle entre la répression militaro-policière et les actions libertaires de la guérilla rurale et urbaine…

Plus au sud, Sting rencontre les grands-mères de la Plaza de Mayo à Buenos Aires et les femmes des portés-disparus qui dansent (seules) à la Plaza de Armas de Santiago, et déclare que ce sont les femmes qui vont vaincre les dictatures. Des femmes anonymes, des femmes exemplaires et émouvantes.

Comme la femme protagoniste principale de ce roman magnifique, comme les trois générations de femmes de sa famille (sa mère, ses filles) qui s’entrelacent dans la tessiture de sa vie, tels les versets d’un poème inachevé. Une femme combattante, qui fait, depuis son adolescence, partie de la guérilla qui lutte dans les montagnes pour la liberté et la justice, et le droit de vivre en paix.

Au même moment, Rubén Blades chante et fait danser en hommage au prêtre espagnol Arnulfo Romero – qui protégeait les opprimés à San Salvador -, tué par la police politique salvadorienne pendant la messe. Probablement inspiré par la révolution sandiniste qui se profile quelques kilomètres plus au nord, le groupe Illapu annonce que « le peuple salvadorien va tout droit vers la victoire ».

Néanmoins, «…les militaires avaient tué le mari de sa sœur cadette et les policiers tué sa sœur aînée (…) elle avait été violée, torturée, puis jetée sur une plage…»

Vingt ans plus tard, l’ancienne guérillero voyage à Paris, pour y retrouver sa fille aînée adoptée par une famille française. Une jeune femme qui croyait sa mère biologique morte dans des combats d’une autre époque. Paris d’hier, aux couleurs de liberté, qui autrefois attirait les rebelles du monde entier, accueillera plus tard une autre sœur qui veut s’engager dans des projets humanitaires, pour sauver des enfants de par le monde.

Les guérilleros sont morts. Une paix négociée et sans justice sera le requiem des tentatives révolutionnaires avortées ou corrompues par l’argent du pouvoir financier mondial. Comme au Salvador il y a trente ans, des femmes continuent (partout) la lutte pour la vie. Ici et là-bas.

Elles défrichent, coupent, brûlent, comme un rituel aux parfums de canne à sucre, qui permet de survivre quand tout a été détruit, quand tout reste à reconstruire.

CLAUDIA HERNANDEZ
Défriche Coupe Brûle
Editions Métailié. 304p 21,50€