CLAIRE JULLIARD – « LITTLE LOUIS »

DEVIENDRA GRAND

PAR CHRISTIAN LARRÈDE

L’art peut-il sauver une vie ? La stature de Louis Armstrong, enfant de la rue puis pur génie de la trompette, impose avec éclat la réponse.

Le soir du réveillon 1912 à la Nouvelle-Orléans, un gamin pas très futé dérobe un pistolet au domicile familial, puis l’utilise dans la rue, en tirant en l’air. La justice blanche envoie Armstrong, alors âgé de onze ans, dans un établissement pénitentiaire à l’usage des enfants noirs.

Pour le bonheur du gamin, le directeur d’une fanfare, Peter Davis, lui confie un cornet, et ne tarde pas à mesurer à quel diamant brut il a affaire. Little Louis conte donc, à la première personne (ce qui n’est pas la moindre qualité du livre) les neuf années qui ont précédé le départ du jeune prodige vers Chicago. Chanson de geste autant que de musique, la saga ne laisse rien ignorer d’un parcours périlleux (entre la livraison diurne du charbon et les premiers concerts nocturnes dans des lieux interlopes où se pavanent les filles de petite vertu et les mauvais garçons), ni de la progression inéluctable du trompettiste vers la lumière. La qualité du travail de Claire Julliard (biographe de Boris Vian, auteure d’ouvrages pour la jeunesse et nègre de personnalités) est bien de décrypter le caractère polymorphe de ces instants d’enfance finissante, entre violence et velours, désespoir et joie inextinguible.

L’auteure s’appuie sur une rigoureuse documentation, et sur sa capacité à agrémenter la parole d’un jeune garçon afro-américain du siècle dernier de ses propres phrases. Ici, Louis Armstrong affronte la misère, le racisme et le capitalisme blanc. Et lorsqu’il empoigne sa trompette, tout s’efface.

CLAIRE JULLIARD

Little Louis

Editions Le Mot et le Reste, 239 pages, 20 euros