L’AMOUR, TOUJOURS L’AMOUR

PAR CHRISTIAN LARRÈDE

Les orphelinats de l’après franquisme ont construit sa notoriété. Sur un mode plus romantique, et poétique, mais également libidineux et introspectif, le madrilène de naissance Carlos Giménez contemple le monde par le trou de la serrure. 

«Les histoires d’amour finissent mal en général »: cette sanction aurait pu, en exergue, avertir le lecteur en quète d’une pantalonnade humide. Amor, Amor !! dépeint en effet un univers de fantasmes certes, mais également de frustrations, loin de l’atmosphère des corps de gardes : les années 80 et leur cortège de cadavres conséquent du sida habitent ces pages. On sait que Giménez, désormais barcelonais, incarne assurément le chef de file d’une bande dessinée espagnole, sociale et politique, entomologiste d’un fascisme qui sacrifia ses enfants (la série autobiographique Paracuellos) ou ses masses laborieuses (Barrio). On perçoit également que son éblouissante technique du noir et blanc, tout en assise et ascèse, sert assurément un humour noir qu’il manie avec virtuosité. Il décrypte à merveille – et avec ironie – une société (l’Espagne encore empesée par la castration catholique) et une époque, avec une société s’ébrouant dans la movida de toutes les permissivités. Ce premier volume d’intégrale rassemble deux albums initialement publiés en 1991 et 1993, avec seize nouvelles et un dossier-interview.

CARLOS GIMENEZ

Amor, Amor !!

Editions Fluide Glacial, 112 pages