BRENDAN PERRY, LA SOUTERRAINE

L’HOMME TRANQUILLE

PAR CHRISTIAN LARREDE

PHOTOS CHRYSTEL ROUCHON LARREDE

La Creuse était prévenue : l’atmosphère du concert serait intimiste. Et c’est en effet devant une petite chambrée – plutôt enthousiaste – que le membre fondateur de Dead Can Dance a distillé, en un détachement patelin (je change de guitare, je bois un coup, je change de nouveau de guitare, le tout sur un rythme de sénateur) l’une des 18 dates de sa tournée franco-française. 

Un bassiste chenu (Richard Yale), Astrid Williamson en guitariste et joueuse de claviers, une pédale d’effets et une boîte à rythmes soutiennent l’Irlandais, exilé avec sa compagne française en Bretagne, dans sa croisade au royaume d’une pop atmosphérique, rêveuse, aux influences ethniques, le tout dans un canevas que l’on dénommait jadis rock alternatif et indie, et à connotation dark wave. Une certitude étreint l’assistance : le chanteur ne se départira pas de l’héritage du groupe qui l’a fait roi, tout comme le Capitaine Haddock de son sparadrap. Simplement et désormais seul maître à bord, et en lever de rideau d’un nouvel album solo à paraître (le 3ème), il sent qu’il ne peut plus compter que sur ses talents d’aimable guitariste, et, surtout, de formidable chanteur, expressif et nuancé, pour séduire le public. De quoi susciter de profonds regrets à l’écoute d’un chant trop souvent noyé dans une reverb omnipotente, confinant parfois la voix au statut de gloubi-boulga indigeste. Le répertoire retenu réserve également quelques surprises : outre, en parcours obligé, le choix de quelques incunables de Dead Can Dance, un saupoudrage des chansons de ses deux premiers opus et une paire de nouvelles chansons, Brendan Perry porte son dévolu sur une reprise de Tim Buckley (avec les honneurs), ainsi que sur quelques standards (en portugais dans le texte) de la musique brésilienne. Le trio négocie les chausse-trappes du « Berimbau » de Baden Powell et Vinicius de Moraes (ou du « Canto De Ossanha », des mêmes), et on saisit parfaitement qu’il goûte le caractère festif de ces mélodies aériennes.

On n’en nourrira que davantage le regret que le baryton se cantonne trop souvent, dans l’incantatoire d’une esthétique majoritairement crépusculaire, à un mode distant face aux spectateurs, renvoyant le sentiment d’assister à une répétition domestique, dont on se sent progressivement exclu.