AU NOM DE LA TERRE

ELLE NE TOURNE PLUS ROND

PAR CHRISTIAN LARREDE

Pierre, agriculteur, voit les contraintes peu à peu l’étouffer dans la gestion de son exploitation : étranglé par les crédits, accablé par les vicissitudes de la nature et ligoté par les législations, il ne trouve qu’une seule issue à cette spirale du malheur. Et elle est tragique.

Dès Les Raisins De La Colère (1947) et le très troublant Riz Amer, ou bien plus récemment Petit Paysan (2017) et, à la marge, Les Gardiennes (avec Nathalie Baye), le monde paysan, son âpreté, ses codes ésotériques et ses engagements de franciscain, ont toujours fasciné le cinéma. Le documentariste Édouard Bergeon, metteur-en-scène novice, signe ici une première œuvre de fiction qui confine au biopic, puisque son père, agriculteur accablé par les difficultés, s’est suicidé à l’âge de 45 ans.

Le héros de son film décide de mettre fin à ses jours en ingérant du glyphosate, herbicide de sinistre actualité. On ne pourra donc que saluer les portraits de ces vrais gens, s’agitant (souvent en pure perte) dans un vrai pays. Emmené par un exemplaire Guillaume Canet (si l’on excepte une calvitie maquillée grossièrement) et par le jeune Anhony Bajon, évident futur grand du cinéma français, le récit évoque ces coulisses que le citadin ne peut ou veut voir, et sur la longueur de près de quatre décennies, la lente agonie d’un travailleur de la terre et d’un univers agricole courant à sa perte. L’émotion, palpable, est évidente, et la mention « d’après une histoire vraie » devrait emporter les suffrages, si l’on excepte la modestie d’une réalisation qui n’élève pas le résultat final à la hauteur du projet initial. On ne fait pas forcément de grands films avec de grands sentiments.

AU NOM DE LA TERRE
de Édouard Bergeon