Interrompant trois années de silence discographique, ce quatrième album de la Québécoise braque de nouveau une lumière tamisée sur son déterminisme à dire les choses (principalement de l’affect) sans faux fuyant, même si avec une plus grande douceur et sérénité que lors de son précédent effort (Les Choses Extérieures). Un dénuement qui rend, et l’artiste, et le disque, remarquablement attendrissants.
PAR CHRISTIAN LARRÈDE
Si l’on excepte une section de cordes et quelques cuivres, l’auteure-compositrice-interprète, bardée de prix et autres reconnaissances professionnelles, assure ici l’ensemble de l’instrumentation, du piano à la guitare, en passant par l’omnichord ou la batterie. Ce contrôle révèle l’un des éléments patents du caractère, et intimiste et très personnel – jusqu’à la vulnérabilité – du projet. Et nous offre quelques fantaisies rythmiques, plusieurs libertés prises avec les tempi dispensant aux partitions une distance rafraîchissante d’avec la chanson formatée. Autre élément majeur : Salomé Leclerc signe les paroles des douze thèmes du programme, ce qui lui permet de creuser le sillon introspectif dans lequel elle excelle. La perte d’un bonheur, l’absence (jusqu’à la plus cruellement définitive), les lâchetés du quotidien et l’amour fou (au sens littéral, et donc jusqu’à la folie) : l’écriture de la jeune femme génère des dialogues entre elle et elle, sur un mode aussi minutieux (le contrôle est ici total) qu’enraciné (la terre du Québec, ses forêts et ses rivières). Le disque s’abreuve à la source de la solitude (car composé durant le confinement) et du dénuement, puisque les brouillons initiaux des refrains se sont construits autour d’un simple voix-guitare. Dans une odeur de bois, une atmosphère nostalgique, la chanteuse nous dévoile son univers, et la visite s’avère séduisante.
SALOMÉ LECLERC
Mille Ouvrages Mon Cœur
(Yotanka)