ROCK CONSCIENT
PAR FRANCISCO CRUZ
Le son des flamands rose avait bien évolué depuis l’expérimental Atom Heart Mother, vers une forme davantage symphonique, et les inspirations philosophiques de The Wall avaient résonné avec joie à la fin de la guerre froide et la chute du Mur de Berlin. À Knebworth les Pink jouaient at home, et ce concert (inédit) mémorable (et caritatif) est un must dans l’histoire musicale du groupe.
C’était une époque où le rock se voulait une alternative positive à la destruction planétaire qui se profilait via les laboratoires pharmaceutiques, l’industrie alimentaire et cybernétique. La vie des hommes était exposée à des nouveaux dangers, les causes humanitaires ne manquaient pas, et les rockers les plus populaires de la planète assumaient des engagements ambitieux et surprenants.
C’était le temps de la fin des dictatures militaires en Amérique du Sud (Argentine, Brésil, Paraguay, Chili, Uruguay…), mises en place avec le concours de la C.I.A. et confortées par le capitalisme néo-libéral, et le crépuscule des régimes totalitaires imposés depuis Moscou à l’ensemble de l’Europe orientale. Militant pour les Droits de l’Homme, des musiciens de rock faisaient le tour du monde avec le programme de concerts Human Rights Now. Une Confabulation de l’Espoir, qui se déclinait en lives pour la Paix au Moyen Orient, contre la famine en Afrique, et aussi pour la sauvegarde de l’Amazonie, de la Nature, de la planète Terre donc. Un moment éphémère où la politique et l’écologie convergeaient.
C’était l’héritage d’autres icônes du rock qui, vingt ans auparavant, avaient milité et joué contre la guerre du Vietnam, contre l’embargo à Cuba, contre l’Apartheid en Afrique du Sud. Évidement, ces concerts ne furent pas des solutions miracles aux dérives structurales de la société humaine. Mais, ils eurent le mérite de sensibiliser une partie de la jeunesse qui, faisant pression sur les politiques d’État, contribuèrent à améliorer certaines conditions de vie.
Les motifs pour éveiller la solidarité humaine ne diminuent toujours pas. Ce concert à Knebworth était destiné à aider le Robbins Music Center et à la construction de la Brit School, pour assurer l’enseignement gratuit des Arts en Grande Bretagne et ailleurs. Un geste alternatif à la politique d’éducation marchande imposée par le capitalisme néo-libéral qui finit par s’emparer de la société mondiale. La performance de l’emblématique «Money» y trouvait tout son sens. Les Pink Floyd n’étaient pas seuls, ce 30 juin 1990. Avec eux : Genesis, Tears For Fears, Eric Clapton, Robert Plant… Au sommet de leur art (et malgré la séparation avec Roger Waters), le guitariste et leader vocal David Gilmour, le batteur Nick Mason et le claviériste Richard Wright y invitèrent sur scène un sextet de musiciens, parmi lesquels on remarque la saxophoniste Candy Dulfer, particulièrement brillante sur «Shine On You Crazy Diamond» et «Money».
Ironie de l’histoire, ce concert fut aussi une autre célébration de la fin du régime communiste en Allemagne de l’Est et de la dictature fasciste au Chili (où Peter Gabriel, Sting, Bruce Springsteen et d’autres jouèrent devant 100 mille personnes).
On peut se demander qui aujourd’hui, des rockers ou des jazzmen, s’insurgera enfin contre les crimes biologiques et environnementaux qui se commentent actuellement dans le monde ?
Ce défi, certes, nous concerne tous.
PINK FLOYD
Live At Knebworth 1990
(Parlophone/Warner)