LE BOSS N’EN FAIT QU’A SA TÊTE
PAR CHRISTIAN LARREDE
Foncièrement nostalgique, ampoulé d’envahissants arrangements pour cordes, très inégal et alourdi de guimauve, lyrique mais en berne : mais qu’attendait-on de ce 19ème album de Springsteen, sous somptueuse iconographie, et première livraison totalement inédite en studio depuis Wrecking Ball (2012) ?
Que dans ces treize chansons, le désormais septuagénaire, qui vient manifestement ici chercher l’inspiration quelque part du côté de la Californie du Sud, n’en ferait qu’à sa tête après avoir viré le E Street Band des sessions ? Cela tombe bien : c’est exactement le scénario intime et personnel offert. Comme, par exemple, de clamer son affection rédhibitoire pour Glen Campbell (roi multi instrumentiste de la country, et compagnon de scène des Beach Boys), ou Burt Bacharach (« Walk On By » et 100 millions de hits supplémentaires, c’est lui). On se permettra d’adjoindre à la paire Jim Webb, émérite compositeur du premier. Pourtant, laisser accroire que le résultat final confine à la mièvrerie serait mal connaître la délicatesse ouvragé des orfèvres précités, et la densité de notre ami américain. Ce qui explique évidemment que, malgré un niveau sonore bien plus retenue qu’à l’accoutumée, le chanteur (qui pour se ressourcer, a quitté le New Jersey pour Broadway, puis les grands espaces du Far West), conserve une tension, et une vigueur inchangées durant ses interprétations. Mais Springsteen nous a depuis longtemps accoutumé à ces valses-hésitations entre le rock fm qui tâche (« Born In The Usa ») et une musique plus retenue mais tout aussi lyrique (« The River »). C’est ce qui fait son exceptionnelle puissance, comme ici nichée dans un quatuor à cordes et quelques banjos, ou pas. Dans ce voyage dans l’espace et le temps (les 60’s finissantes), le Boss chante pour le solitaire, l’abandonné, avec la profondeur, la mélancolie, et l’humanisme qui l’ont toujours caractérisé. Cet album n’est pas un chef d’œuvre, mais bien mieux que cela : votre compagnon assuré pour les années à venir.
BRUCE SPRINGSTEEN
Western Stars
(Sony Music)
POP-ROCK
