LEURS TRUCS EN PLUMES
PAR CHRISTIAN LARRÈDE
Ce troisième album remet les Indiens Mardi Gras de la Nouvelle-Orléans au milieu du carnaval, et restaure la parentèle historique entre afro-américains fuyant l’asservissement et tribus amérindiennes les hébergeant. Puissant, dansant et parfumé, c’est également un formidable disque.
À l’origine, il y eut Professor Longhair et les Wild Magnolias, puis Dr. John, The Meters, les Neville Brothers.
Depuis 2014, Cha Wa (interjection et traditionnelle et indienne) permet, sous l’égide de Joe Gelini (le chef d’orchestre et le maître des tambours) et Joseph Boudreaux Jr (l’emplumé et chanteur principal), transporte ces culture et musique de la rue sur toutes les scènes du monde, synthétisant une riche tradition avec une contemporanéité aux antipodes d’un folklore anodin. Car ce que chante My People sur des rythmes haletants et de grandes lampées de cuivres, c’est bien la Nouvelle-Orléans d’aujourd’hui, avec sa police violente incapable de gérer l’ouragan Katrina, ou un héritage patrimonial foulé au pied par les intérêts financiers, la paupérisation exponentielle et le contraste glaçant entre « les riches qui vont au paradis, et les pauvres qui dorment sous les ponts ». Pour ce panorama, on compilera assez naturellement les polyrythmies de l’Afrique, le rhythm and blues de James Brown, les défilés évoqués ci-dessus, un funk à la Sly Stone, le gospel des modestes chapelles, et, acérée comme un réquisitoire, une reprise du « Masters Of War » de Bob Dylan (riche de la participation d’Alvin Youngblood Hart). Et quelques notes de jazz. La morale éclate alors à chaque mesure : avec Cha Wa, le combat se mène en dansant.
CHA WA
My People
(Single Lock Records/Modulor)
SOUL