TANGO, JOHNNY, GO !
PAR CHRISTIAN LARRÈDE
Depuis une vingtaine d’années, Melingo, remontant aux sources les plus populaires du tango, nous rappelle que l’emblème musical argentin ne se résume pas à une chorégraphie compassée.
Daniel Melingo, rocker contestataire, et spécialiste de musique psychédélique reconverti, après un séjour au Brésil au côté de Milton Nascimento, puis dans le Madrid de la movida, dans la pratique de cet héritage de l’esclavage noir et des musiques de salons européens, apporte ici un point final à la trilogie qui, depuis 2014, mettait en scène le clochard céleste Lyniera (vagabond franchement voyou), comme un double du chanteur, et dont les compositions crépusculaires s’appuient sur des textes d’éminents poètes d’Amérique Latine (et ici sur, entre autres, les mots de l’acteur et scénariste Rodolfo Palacios). Si l’on a de prime abord la perception d’une voix qui permet de situer Melingo à la droite de Tom Waits, il convient de noter, qu’après de solides études musicales, l’Argentin d’origine grecque pratique la clarinette, le piano, ou le bouzouki (on retrouve ici quelques mesures de rebetiko, archétype de la musique populaire hellène). Ce qui permet à Oasis, après une ouverture assez conforme où suinte le bandonéon et gémit la clarinette, de s’enrichir d’une guitare bluesy, d’un jazz interlope, et donc des racines de son ascendance grecque. Chantre de ce tango bajo où bat le cœur du peuple argentin, l’artiste (il utilise le lunfardo, argot des quartiers périphériques de Buenos-Aires) incarne la voix la plus originale du genre, même si au grand dam de ses compatriotes thuriféraires et gardiens de l’orthodoxie, on croise dans ces chants une diseuse de bonne aventure, une danseuse, ou une sorcière. On déplorera simplement que ce cortège en noir et grisé ne s’accompagne pas de la traduction des textes en livret.
MELINGO
Oasis
(Buda)
WORLD
4/5