Trente ans après la disparition du célèbre trompettiste afro-américain, l’industrie musicale décide que le temps est propice pour exploiter des dizaines d’heures inédites enregistrées dans une période assez controversée. Celle qui marqua le retour de Miles Davis sur le devant de la scène jazz, après sept années de silence, avec des mélodies et des accents résolument pop.…
PAR FRANCISCO CRUZ
POP WANTS MILES/MILES WANTS POP
Dans ses évocations biographiques, Miles Davis ne dissimulait pas son admiration à l’égard du travail et de la personnalité de certaines icônes de la pop music (rock, r’n‘b, funk, blues, folk, soul), telles Carlos Santana, Prince, Cindy Lauper, Chaka Khan, Cameo…). Leur popularité spectaculaire et transgénérationnelle était une explication non négligeable de cette attraction tout comme l’envie de rester hip. Ce souhait l’a fait participer à quelques festivals de rock et accepter des invitations pour enregistrer avec des musiciens et chanteurs célèbres dans des domaines autres que le jazz.
Néanmoins, la lucidité artistique de Miles Davis le rendait forcément conscient de la contradiction (ou de l’incompatibilité) entre la sophistication du jazz dans le traitement du matériau musical et la simplicité de la musique de masse. Conscience que partageraient ensuite Herbie Hancock ou Pat Metheny, parmi quelques-uns des plus populaires musiciens de jazz qui réussiront sans trop d’accidents dans cet improbable jeu d’équilibriste.
Encore maintenant, on peut avoir des réserves sur l’accord que Miles Davis de son vivant aurait pu donner à la publication des séances présentées dans ce volume 7 de la série The Bootleg. Cependant, cela restera dans le domaine de la pure spéculation. Le fait est que les ayants droit et la compagnie discographique ont choisi de publier ces bandes inédites de la période 1982-1985, réunies dans un coffret de trois CD, dont un enregistrement live au Festival de Jazz de Montreal (1983) et deux autres réunissant des prises studio de certains morceaux phares de cette période. Parfois en double version, un choix pas toujours justifié, musicalement.
Parmi les moments les plus réussis de ces électriques (et électrisantes) séances, on retrouve une version alternative de « Human Nature » (de Michael Jackson), la part 2 de la « suite » « Celestial Blues », les versions longues de « Time After Time » (de Cindy Lauper) et de « Katia », la version rapide de « Hopscotch », ainsi qu’une conséquente composition-dédicace (13 minutes) à Santana.
Dans l’album live, les morceaux de la même période qui atteignent le plus haut niveau d’interprétation improvisée sont « Jean-Pierre », « Star People » et « Star On Cicely ». Miles aux pays des étoiles, en compagnie d’une bande hétérogène et talentueuse, individuellement irréprochable, qui réunit alors John Scofield, Marcus Miller, J.J. Johnson et Darryl Jones, Mike Stern et Al Foster… Une période de transition, avant l’arrivée de Branford Marsalis, Kenny Kirkland et Omar Hakim.
Les musiciens de jazz, principalement les trompettistes, n’affectionnent pas spécialement cette période. Les musiciens de rock oui. Alors, bonne écoute !
MILES DAVIS
That’s Hats What Happened 1982-1985
The Bootleg Series Vol.7
(Columbia/Sony)