LE FEU DE LA COLÈRE
PAR FRANCISCO CRUZ
Inspiré librement de la nouvelle d’Haruki Murakami «Les Granges Brulées» – et par l’univers de William Faulkner -, le nouveau film du réalisateur Lee Chang-Dong est une critique, subtile mais sans concessions, de la société coréenne contemporaine.
[Dans la vie]…« il y a ceux qui travaillent et ceux qui s’amusent», dit Ben (l’excellent acteur Steven Yeun, découvert dans la série américaine «Walking Dead»), lors de la rencontre (à Séoul) de trois jeunes sud-coréens – la belle Haemi, le humble Jongsoo, et le riche Ben. Au-delà d’une sourde rivalité sentimentale, Burning met en évidence la colère profonde inoculée dans l’esprit des plus jeunes par la vacuité de la vie actuelle, saturée de technologie. Seuls, sans projet, sans lien, ils errent dans un monde global hyper-connecté. En apparence libres et pourtant perdus dans une société dont la compréhension leur échappe.
Haemi séduit Jongsoo mais ensuite part en Afrique, en quête de sens, à la découverte de rituels ancestraux. Elle en revient avec Ben (rencontré dans un aéroport), un mystérieux jeune bourgeois pour qui la vie semble un permanent amusement. Ce triangle improbable offre un éclairage sur la fracture sociale et le contraste entre l’urbanisme ultra moderne et l’anachronisme de la vie rurale. Aussi, sur le divorce entre les coréens du nord (enfermés dans un système communiste obsolète) et du sud (livrés à la violence de l’économie néo-libérale). Un film truffé de silences éloquents, qui met en scène des jeunes divisés entre ceux qui travaillent (aliénés par des emplois idiots) et ceux qui se divertissent (mais sombrent dans l’ennui), et convergent dans le crime. Un film troublant, porté par la (belle) musique du compositeur Lee Sung-Hyun (dit Mowg) .
BURNING
de Lee Chang-Dong
avec Steven Yeun, Jong-Seo Jun, Ah-In Yoo