DEBRIS ET DES VIEUX
PAR CHRISTIAN LARRÈDE
C’est l’histoire d’un monde où, en miroir inversé de notre univers sous pandémie, les vieux, fardeaux d’un capitalisme libéral à l’agonie, se voient imputés tous les maux. Mais un septuagénaire punk peut-il sauver la planète ?
On considèrera cela comme un fort volume : plus de 300 pages âpres, et parfois âcres, que l’on aura tout bénéfice à consommer par vagues, tant la saga de Colt, ex-guitariste mais toujours punk dans l’âme, peut exsuder la violence, le mal-être, le tableau putride de terribles machinations, et autres gracieusetés. On appelle cela une dystopie, errance fictionnelle au royaume ténébreux d’un futur proche (2029) en eau-forte, là où le sourire n’est qu’ironie, et le désenchantement la marque de fabrique. Les secrets (mis à jour par Colt) ne sauraient y être que terribles et sans appel. Et les perspectives (les vieux puent un peu, les jeunes consomment beaucoup, et c’est tout), peu ragoutantes. Sans clés patentes, le lecteur aura le droit de parfois s’égarer dans un récit touffu, manifestement conséquent du souhait d’Angelini (le scénariste) de balayer les diverses facettes d’un monde en putréfaction, allant jusqu’à user des outils de la psychanalyse pour préciser les contours de ses belligérants. Quant au dessin de Taddei, il alterne découpages virtuoses et autre fulgurances visuelles avec une mise en pages parfois trop convenue. Lorsque l’épaisseur du trait et du récit en laisse le loisir, on peut penser à Affreux, Sales Et Méchants (Ettore Scola), à L’Hôpital Et Ses Fantômes (Lars Von Trier), ou à l’univers de David Lynch. Pour la troisième fois réuni, le tandem témoigne des périls qui nous guettent, et de cela, malgré le caractère exubérant de l’ensemble, on doit lui être gré.
SIMONE ANGELINI & MARCO TADDEI
4 Vieux Enfoirés
Editions Rackham, 328 pages en noir et blanc, 25 euros