SELVA ALMADA  –  « SOUS LA GRANDE ROUE »

FORTUNE IMPLACABLE

PAR FRANCISCO CRUZ

Après une enquête terrifiante sur les féminicides jamais condamnés dans son pays – Les Jeunes Mortes -, l’écrivaine argentine ausculte de près la misère de jeunes prolétaires ruraux, enlacés dans une macabre danse de la mort.

La grande roue, attraction centrale de toute fête foraine, cercle excitant qui tourne la tête des nouveaux amoureux, peut aussi se transformer en métaphore de destins aussi irrémédiables que leur mouvement perpétuel. Dans un récit sculpté dans la chair et sans concessions stylistiques, Selva Almada décrit la vie misérable de deux garçons – Marciano et Pajarito -, fils de pères ennemis, qui pendant leurs années d’enfance cultivent une belle amitié et échappent aux rivalités de leurs aînés, mais deviennent par la suite des rivaux mortels. Au rythme saccadé d’un chamamé, et utilisant des jeux de miroir comme un prestidigitateur, l’écrivaine née à Entre Rios  raconte deux décennies de la vie de (deux) familles partageant la même condition sociale : des existences marquées par la violence physique et une sexualité ludique qui, malgré des jouissances éphémères, restent amères, et n’offrent pas d’échappatoire à des destinées fatidiques et sans issues. – Dans le regard d’Almada il y a une énergie qui nous rappelle celle de Mercedes Sosa, quand elle chantait «Valderrama» ou d’autres sambas et chacareras qui parlent de la misère des gens de la pampa -. Les figures féminines (notamment les mères) sont les seuls personnages par qui une lueur d’espoir, une étincelle, illumine ces mornes existences, et entretiennent l’espoir… Quand, le pire guette, inexorablement…

SELVA ALMADA

Sous la Grande Roue

Ed. Métailié, 190 pages. 18