RONALD WIMBERLY – « PRINCE OF CATS »

LE RAP DU BALCON

PAR CHRISTIAN LARREDE

Une succession de duels comme autant de punchlines, un raisonnable quota d’amours impossibles, et l’éternel affrontement des Montaigu et des Capulet : l’amour de jeunesse de Roméo Et Juliette est-il soluble dans le flow ?

Près de cinq siècles après William Shakespeare, 58 ans depuis West Side Story et la transposition du drame à New-York, et 7 années avant son adaptation au cinéma, la première édition en 2012 de ce roman graphique (suivi d’un nouveau découpage 4 ans plus tard, et donc aujourd’hui d’une adaptation en français), Prince Of Cats a toutes les apparences d’un serial sans fin, d’un immarcescible conte des rues. S’appuyant sur le personnage originel de Tybalt (cousin de Juliette), plongé dans un réseau urbain des 80’s parfaitement criminogène, le récit, nerveux, électrique, se nourrit de références à la culture japonaise, aux jeux vidéos, à la mythologie grecque et aux films d’action américains (quelque part entre Terminator et Piège De Cristal). Mais le tour de force est ailleurs, en particulier, outre l’enchaînement d’instants dramatiques et plus légers, dans cette utilisation duelle d’une prosodie directement héritée du rap, et de l’irruption d’un langage du commun en prose, à l’instar de ce que pratiqua Shakespeare.

Ce n’est pas le rapprochement entre hip hop et bd qui s’avère ici novateur, mais bien l’usage d’un graphisme mixé, et d’influences diverses et âpres (en particulier en provenance de l’univers du jazz). En ce sens, on soulignera la performance du traducteur Charles Recoursé, qui évite les chausse-trappes de la transcription. Des images de sexe et de sang enserrées par des mots qui définissent un univers : celui d’un album indispensable.

RONALD WIMBERLY
Prince Of Cats
Editions Dargaud, 152 pages, 19,99 euros