ZAPP A PARIS

RETOUR VERS LE FUTUR

PAR ROMAIN GROSMAN

22 ans après un concert mémorable, avec Roger Troutman, Zapp revenait au Trabendo (à l’époque le Hot Brass) pour un live funky en diable.

Retour vers le futur. Il y avait un peu de cela, ce dimanche de fin de Toussaint. Le Trabendo, majoritairement peuplé (copieusement) de quinquas, accueillait Zapp, sans Roger, disparu tragiquement en 1999 (il aurait été abattu par son frère Larry, qui se serait suicidé juste après). Dans la fratrie, Larry (batterie) et Terry (talk box) entretiennent la flamme.

Attirés par la nostalgie d’un son « old school », ultra-populaire mais pourtant underground au mitan des années 80 – en même temps que Cameo, le Gap Band, ou The Time -, les fidèles n’ont pas mis longtemps à lâcher prise, emportés par le groove hédoniste et l’auto-dérision du groupe de l’Ohio.

« So Ruff, So Tuff », « I Can Make You Dance » en intro, puis les classiques « Doo Wa Ditty » et « Computer Love », font résonner ce funk synthétique qui reste la marque de Zapp, avec la voix vocodérisée des chanteurs – à l’origine un emprunt de Roger Troutman au guitariste Peter Frampton, vite devenu sa signature -, et une syncope largement repiquée ensuite par les rappeurs de la côte Ouest. Entre chorégraphies burlesques, traversées du public par les solistes, tenues de scènes luminescentes, Zapp fait le show. Le final, sur l’irrésistible « California Love », immortalisé par Tupac, fait chavirer une salle transformée en dancefloor depuis les premières minutes.

On craint toujours, lors de ce genre de retrouvailles, de se prendre en pleine face le temps qui passe. Même s’ils (sur)jouent, comme toujours, une mise en scène archi-rodée, les rescapés et les nouveaux membres de Zapp évitent l’auto-caricature, rappelant au passage combien cette feelgood music, sexy, joyeuse, nécessite un vrai savoir-faire, un vrai feeling (ce que leur récent et excellent nouvel album, Zapp VII : Roger And Friendslaissait espérer). Comblés, les fans ont vibré sur ce groove imparable qui dit au passage tout ce que la musique noire a perdu en route, en troquant l’inventivité et la singularité de tels musiciens, au profit (trop souvent) de la duplication et du formatage des expressions actuelles…


LE TRABENDO, 4 NOVEMBRE 2018