ARIADNA [AL HILO DEL MITO]
La Biennale d’Art Flamenco, l’un des points forts de la saison au Théâtre Chaillot, ne pouvait imaginer une ouverture plus brillante, que celle offerte par la danseuse et chorégraphe Rafaela Carrasco et sa compagnie. Dans l’état actuel de la culture, violentée par le pouvoir financier et politique, la prestation de l’artiste espagnole symbolise un retour à la vie pour des spectateurs parisiens maltraités depuis deux ans.
PAR CHIARA Q PHOTOS ANA PALMA
Il est de ces spectacles dont chaque seconde est un pur éblouissement. Peut-être parce qu’après tant de mois sous tutelle et dans l’ombre, la danse et le spectacle vivant de manière générale n’étaient plus qu’un lointain souvenir – face auquel la culture internet (Netflix et cie) apparait en comparaison bien désincarnée –. Ou peut-être est-ce simplement par ce qui nous est offert ici : une performance scénique, dansante, musicale, touchée par une grâce rare.
Le spectacle de Rafaela Carrasco (sur scène depuis quelques mois en Espagne et ailleurs) reprend comme ligne directrice le mythe de Thésée et d’Ariane sans que jamais la mythologie grecque ne pèse trop sur l’ambition artistique et créatrice de la représentation proposée ici. Un conteur à la voix suave nous guide et rapidement laisse place à l’art Flamenco: à la danse, au chant, aux lumières et aux décors, aspirant le spectateur sans lui laisser une seconde pour revenir dans son monde.
Le souffle coupé, ébahi, émerveillé par tant de beauté on assiste au déroulement de l’histoire d’Ariane, dansée et jouée par Rafaela Carrasco et sa troupe de danseurs (Rafael Ramírez, Gabriel Matías, Ricardo Moro Felipe Clivio et Jesús Gonzalez) plus époustouflants les uns que les autres. Soutenus par la complicité des vibrants chanteurs (Antonio Campos et Miguel Ortega) et guitaristes [Jesus Torres et Salvador Gutierrez). Le tout dans des décors fabuleux – rendus possibles par une ample scène comme celle du théâtre Chaillot- finit pour conquérir le spectateur, lui faire oublier « le dehors ». L’identification à Ariane est immédiate. Elle est pleine de doutes, forte et entière à la fois, femme douce, amante aimée et trahie, et chaque sentiment qu’elle incarne nous touche au plus profond. L’immersion est totale, brutale et émouvante et l’on ressort émerveillés, soulevés par tant de grâce et de perfection ; nous sentant riches de cette expérience éblouissante et indescriptible de beauté.
Après les spectacles de la chorégraphe Paula Comitre avec la danseuse Lorena Nogal, de David Coria et Jann Gallois, du beau duo formé par la danseuse Florencia Oz et la violoncelliste Isidora O’Ryan, La Biennale se clôture (du 16 au 18 février) avec «Intimo», la dernière création du célèbre danseur Farruquito, et «Nerja» le nouveau projet du guitariste Rafael Riqueni, en trio avec Salvador Gutierrez et Manuel De La Luz.