ELINA DUNI

DEPART ET RESILIENCE

La chanteuse albanaise publie la version discographique de son spectacle Partir. Dans la nudité du solo, elle s’accompagne au piano, à la guitare et aux percussions. Une beauté d’album.

PAR FRANCISCO CRUZ

Elina Duni rentre de son premier voyage en Amérique du Sud, avec des haltes en Argentine et au Chili. « Le séjour a été très intense, j’ai fait plusieurs concerts, dont un dans un bidonville, à la périphérie de Santiago … » Un périple trop court à son goût : il lui fallait rentrer chez elle, en Suisse. On est toujours en train de partir ; de sa terre natale, de la maison des parents, des relations qu’on a cultivées. Partir…, son nouvel album, évoque ce sentiment décliné sur plusieurs thèmes.

Un album personnel, intimiste, comme un long voyage intérieur qu’elle a choisi de réaliser seule : un disque en solo comme un voyage au plus près de soi-même. « Quand j’ai commencé à écrire ces chansons, j’étais émue par la situation en Syrie, qui a mis tant de gens sur les routes. S’ajoutait à cela l’expérience de mon propre exil, et mes échanges avec d’autres exilés du monde… Je voulais faire un disque en plusieurs langues (albanais, arabe, italien, arménien, portugais, français, kosovar, anglais), pour montrer l’universalité du thème. » On retrouve dans Partir… le fado « Meu Amor » (autrefois chanté par Amalia Rodriguez) qui parle de mourir de tristesse… « Amara Terra Mia », une chanson italienne signée Modugno, inspirée d’un chant traditionnel des Abruzzes, « Addio Amore ». « Lamma Bada Yatathanna » la chanson la plus connue de l’univers arabo-andalou, vieille de 700 ans. La chanson yiddish « Oyfn Veg », qui conte l’histoire d’un garçon qui veut devenir oiseau, et que sa mère entoure de lourdes couvertures pour qu’il ne s’envole pas ! « Ce ne sont pas seulement de belles mélodies. Ces chansons charrient des histoires fortes, profondément humaines ».

VOYAGE INITIATIQUE

Avant d’être un disque, Partir… est un spectacle, avec une dramaturgie qui le rapproche du théâtre. Elina Duni a écrit des textes qui s’y insèrent comme des interludes, entre différents tableaux qui transportent le public dans un voyage initiatique. « Les gens sont plus accueillants : seule, tu les désarmes. Tu t’exposes devant eux, tu ne peux pas te cacher derrière les orchestrations. Je passe du piano à la guitare, de la voix au tambour. Ce solo m’apprend l’art de l’accompagnement. J’avais toujours chanté accompagnée d’excellents musiciens, maintenant, je suis seule, tout est réduit à l’essentiel et mon sens musical s’est aiguisé. »

Partir… est un disque lent, probablement son plus beau. Par sa tonalité et l’émotion qu’il dégage. Naturel. Comme une évidence.

« L’enregistrement s’est extrêmement bien passé, et pourtant c’est celui que je craignais le plus. »

Partir… est un disque de départ et d’abandon. Il parle d’un père qui s’en va, et d’un homme qu’on quitte… « Un amour ne meurt jamais, il git quelque part comme une bête dans un coin sombre, moitié morte, moitié vivante. Tous les grands amours de notre vie restent en nous. Mes parents se sont séparés (en Albanie) quand j’avais 4 ans. Pendant longtemps, et malgré ses rares visites (depuis les États-Unis), mon père est resté un étranger pour moi. Il m’a fallu être une femme adulte et travailler au théâtre avec lui (il est metteur en scène, ndlr), pour rétablir un lien d’amitié. Ce lien, j’ai dû le construire et, aujourd’hui, mon père fait pleinement partie de ma vie. »

ELINA DUNI

Partir

(ECM/UNIVERSAL)

 

Le 13 FÉVRIER à PARIS/LE BAL BLOMET/FESTIVAL AU FIL DES VOIX