« JE N’AIME PAS DIRE QUE JE SUIS MUSICIENNE, MAIS PLUTôT MUSICALE
PAR FRANCISCO CRUZ photo PATRICK MESSINA
On devait la revoir sur scène, à la Philharmonie de Paris et ailleurs, en compagnie de la chorégraphe sud-africaine Robyn Orlin. Toujours sur le fil de la surprise, jamais dans la répétition formelle, Camille joue et déjoue les prévisions virales, en annonçant un retour sur scène à l’automne …
De la prééminence mélodique à l’ode au rythme, le tambour est le protagoniste de Ouï, votre dernier projet discographique. Ce n’est pas seulement un changement instrumental, mais cela semble correspondre à un changement plus profond chez Camille, la musicienne ?
Je n’aime pas dire que je suis musicienne, mais plutôt musicale. Une femme qui a des envies… Je pense que, à la base, tout est vibration, et j’ai des envies vibratoires, qui évoluent dans le temps au rythme de mes expériences. Je traduits mes envies, mes besoins, en musique. Dernièrement, ce sont les besoins d’enracinement et de rassemblement qui m’ont dirigée vers le tambour. Le tambour représente les énergies profondes. Il n’est pas politiquement correct et, étant fait de peaux d’animaux, il est très puissant.
Le tambour placé au centre de la scène, faut-il y voir le signe d’un changement dans votre façon de partager la musique ? Vous dites aimer le bal et, un peu partout, le tambour est au centre du bal rituel et tribal…
Le tambour est l’appel du ventre, c’est viscéral, et le tambour au son grave nous relie à la terre et à nos origines. Juste avec cette pulsation originelle et une mélodie, on peut réaliser toutes les chansons du monde. Le tambour est aussi pour moi une façon de faire le lien entre la danse et la chanson.
Vous faites de la danse et du théâtre, du cinéma aussi. On vous a vu sur toutes les scènes, et dans vos derniers spectacles musicaux vous jouez un personnage percutant, dans une dramaturgie de synthèse très dessinée.
Je travaille sur scène suivant mes envies et mes besoins. Là, j’ai besoin d’un tambour, d’une couleur bleue, d’un cercle, et de danser… Puis, j’ai fait un travail avec Robyn Orlin avant de commencer ma dernière tournée. Mais, au début des tournées, je ne suis jamais prête, le spectacle évolue et se peaufine dans le temps, au rythme des échanges avec les publics. Les idées, les gestes, les mouvements, les sons, changent jusqu’à se consolider dans une osmose intégrale.
Ouï s’écoute comme une affirmation de la vie. Une femme qui danse, chante, et enfante, dit oui à la vie. Dans ce même sens, sur d’autres scènes, vous parlez de développement durable, de semences d’origine, d’éducation alternative, de naturopathie et, aussi, des méfaits de l’industrie alimentaire…
L’industrie alimentaire est délétère. Alimentation et industrie sont en fait des réalités incompatibles. On devrait se nourrir seulement avec des aliments frais, produits localement. L’alimentation devrait être sauvage et agricole, artisanale et locale. On devrait tous pratiquer l’agri-foresterie. On devrait nous-mêmes cueillir le fruit, directement dans l’arbre. Un arbre que l’on devrait planter soi-même et le fruit devrait ainsi porter notre propre énergie. Ou bien le cueillir dans son habitat sauvage et bénéficier ainsi de son énergie première, en ingérant tous ses micro-nutriments.
On redécouvrirait ainsi les bénéfices de l’alimentation crudivore…
C’est juste. Dès que l’on modifie les aliments on les tue ; dans 80% des cas, cuire les aliments n’est pas pertinent. Comme les aliments ont perdu tous leurs nutriments, on les remballe, on les colorie, et on ajoute la phrase « riche en ceci ou cela, il vous apportera du bien-être toute la journée ». C’est un gros mensonge. La pomme n’a rien d’écrit sur sa peau, mais c’est elle qui fait du bien.
Le rapport entre nourriture et santé est indubitable. Nous sommes aussi confrontés au conflit sanitaire provoqué par les vaccinations obligatoires, pour les enfants notamment. Quelle est votre point de vue à ce sujet ?
Je suis pour la liberté de choix vaccinal. C’est un débat de fond, il y a des médecins et des parents pour et contre. Des médecins qui les prescrivent sans hésiter et d’autres qui proclament leur inutilité et leur dangerosité. Je ne suis pas pour les vaccins obligatoires, voilà. C’est un sujet très personnel, intime même, qui est en rapport avec la vie et la mort. Les parents doivent avoir la possibilité de choisir en toute conscience. Surtout, il ne faut pas oublier le terrain, l’espace de vie de l’enfant. Il faut se poser la question de la pertinence des vaccins dans des lieux différents, et en fonction de l’âge des enfants : quel sens a la décision de vacciner un bébé contre l’hépatite B ? Faire du systématisme, c’est du totalitarisme ! Plus grave encore, au-delà de la liberté de choix, il y a le problème des adjuvants : l’aluminium et tous les métaux lourds que les laboratoires mélangent avec les conservateurs. Ce n’est pas anodin, on inocule tout ça à nos enfants ! C’est extrêmement grave. Et toutes ces campagnes de vaccination de par le monde, c’est du pur colonialisme médical ! Je suis pour la diversité de pratiques en matière de santé, de choix sexuel, de choix de famille… Un monde démocratique est un monde où les gens ont le choix.
Naguère, la France était un pays qui déplorait et s’opposait aux totalitarismes lointains, un pays où trouvaient refuge les orphelins de la démocratie. Aujourd’hui, on voit la qualité de vie se dégrader sensiblement, et cela en rapport étroit avec les choix de politiques économiques pratiqués depuis une vingtaine d’années. Avec une mutation dangereuse qui connecte le capitalisme ultra libéral à un pouvoir autoritaire. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
J’ai été élevée par des parents de gauche, dans la foi en la République. Dans notre famille et dans mon entourage, il y avait des gens de toutes les religions, mais nous étions laïques. Mes parents étaient fonctionnaires et je suis allée à l’école publique. On allait voter, parce qu’on croyait aux valeurs républicaines. Mais aujourd’hui je me rends compte que les industriels ont plus de pouvoir que nos élus. Et c’est ainsi parce que nous leurs donnons ce pouvoir. Chacun d’entre nous. Alors, on ne peut pas se plaindre et dire juste que les politiques sont des pourris. En fait, pourris, nous le sommes tous : nous d’abord, par notre façon de vivre et de consommer. On a troqué notre pouvoir de citoyens contre le pouvoir de consommateurs. Alors, il n’est pas surprenant que les industriels ultra-libéraux mènent le jeu.
Les industriels mènent le jeu et les technologies nouvelles jouent contre nous ?
Ah oui ! Les compteurs électriques Linky sont un bon exemple : quand les industriels décident de changer une technologie par une autre, ils pratiquent le forcing commercial. Comme si tu n’avais plus aucune liberté de choix. Eh bien, il faut s’insurger, consacrer du temps et faire valoir notre liberté de citoyens. On doit prendre nos propres responsabilités, être plus conscients et se battre.…
La misère augmente avec l’économie ultra libérale. On voit de plus en plus de gens qui habitent dans la rue, plus de jeunes sdf. Davantage de prostitution et de violence.
Le pire face à cela, c’est de se sentir impuissant. Ces personnes n’ont pas besoin de notre pitié, ils ont besoin qu’on agisse. Pour ne pas être impuissant, la première chose à faire est de changer nos modes de vie. Nous avons le pouvoir de changer. Il ne faut pas oublier aussi que beaucoup de gens arrivent ici fuyant la guerre dans leurs pays. Ou parce qu’ils y crèvent la dalle. Il faut se demander pourquoi cela arrive ? La réponse première pour moi est la surexploitation des humains et des ressources de la terre. Tandis que tout le monde pourrait vivre en paix et être nourri dans son pays. Les guerres sont (presque) toutes motivées par la possession de ressources d’énergie fossile. Encore une fois, ce sont nos modes de vie et de consommation qui génèrent ces enjeux !
Comment débuter le changement de mode de vie ?
Déjà, avoir une vie plus sobre. Cela allège le sentiment d’impuissance et, face aux migrations massives, permet d’avoir une attitude plus ouverte. Dans nos vies, le plus important devrait être les gens qu’on aime, et les gens qu’on accueille aussi. Nous vivons dans un monde à l’équilibre très précaire, et ce qui arrive aux migrants d’aujourd’hui, peut nous arriver à nous aussi demain. J’ai déménagé à 900 kilomètres de Paris, et ressenti un certain déracinement. Alors, je peux imaginer ce que peut vivre quelqu’un qui a dû tout abandonner dans son pays en guerre à des milliers de kilomètres. Ok, Paris n’a pas de logements vides, mais il y a des immeubles de bureaux qui le sont, des friches industrielles abandonnées que l’on pourrait aménager. Il y a surtout nos campagnes désertées. Pour moi, la meilleure façon d’accueillir les familles de migrants serait de leur prêter une maison et un carré de terre pour le cultiver et se nourrir. En cultivant la terre on crée des racines. On leur donnerait des graines saines, non modifiées, à planter, et un disque pour qu’ils découvrent comment on chante ici.…
On dit que la musique est l’une des meilleures thérapies pour la détresse…
Je le pense aussi. C’est la thérapie la plus subtile et la plus puissante. C’est quantique, c’est la vibration.
La génération de nos parents et la nôtre auraient oublié qu’il y avait des choses bien plus importantes que la possession de choses…
Surtout que finalement nous ne possédons rien ! Même si on achète tout, on ne possède pas les objets. En croyant posséder on finit par être possédés par les choses : mon agriculture, ma terre, ma récolte, ma propriété … On a échappé à la famine, mais on est devenu esclaves de nos propriétés. Puis on a continué avec les objets, d’abord les utiles et artisanaux, pour ensuite vouloir les objets inutiles fabriqués à la chaîne. Entre-temps, on a perdu la nature. On admire les choses parce qu’on a perdu le lien avec la nature. Mais la nature est plus belle que tout, elle change en continu et ne nous appartiendra jamais. Le plus beau message qu’on puisse transmettre à nos enfants, c’est d’aimer la nature.
Le rôle de l’art, et de la chanson, dans une société comme la nôtre, ce serait d’abord la résistance ?
Oui. La chanson a su être un moyen de résister à différents moments de l’histoire. Et même si ma musique excède le cadre de la chanson, comme un tremplin pour exprimer ma musique et ma sensibilité, la chanson, l’écriture, jouer des instruments avec d’autres musiciens, sans ordinateurs, faire un travail d’orfèvre avec le son, faire un disque en prenant soin de chaque détail, c’est une forme de résistance. Car, ça demande beaucoup de volonté et de temps. Se donner le temps dans un monde où tout va très vite : on peut faire un tour du monde en 24 heures et un disque en 3 jours ; enregistrer une séquence de batterie en 3 minutes et la recaler et la reproduire à l’infini, une voix en 5 minutes, car on va la retoucher, une photo instantanée sera photoshopée. Tout va trop vite, car on a les moyens. Alors, non, prenons notre temps.
Votre musique est une alternative à la chanson prête- à-consommer… Une musique qui demande à être réécoutée, qui demande du temps pour saisir ses nuances.
C’est ma façon de faire de la musique, J’aime la recherche, mais j’aime aussi rester dans une forme populaire. Etre pop et accessible, sans faire ni facile ni simpliste. Dans un monde dominé par le hip hop, je fais de la pop et, dans ce monde submergé par le streaming, je privilégie le format album. J’aime le disque physique. L’album permet de développer un concept, une histoire, un univers. Avec sa propre dynamique et des reliefs. Un album ressemble à une œuvre.