PEINTURE DES LOINTAINS

L’art au temps des colonies

Le Musée du Quai Branly analyse le regard porté au XIX et XXème siècles par la France sur ses colonies, entre fascination, fantasme et domination.

PAR KATHLEEN AUBERT

Colonies. Le mot est encore tabou, au point qu’il est pudiquement remplacé par celui de « lointains» dans le titre de la nouvelle exposition qu’abrite le Musée du Quai Branly jusqu’en janvier prochain. Pourtant, c’est bel et bien de cela qu’il s’agit. Les 220 tableaux, gravures et dessins présentés ici, réalisés pour la plupart entre 1830 et 1930 et mis à l’index après la décolonisation, reflètent l’évolution de la perception que le monde occidental avait alors des peuples et des territoires lointains.

On découvre tout d’abord la fascination que ces horizons nouveaux exercent sur les artistes. Entre romantisme, documentaire et naturalisme, il s’agit alors d’explorer l’inconnu et tout ce qu’il possède d’exotique : ports, navires, foules bigarrées, végétation luxuriante,  paysages majestueux, souks, sérails et corps dénudés… Souvent autant de stéréotypes d’un ailleurs idéalisé pas forcément fidèle à la réalité, et reflet des fantasmes de l’Occident : au-delà du rêve de voyage et d’évasion, la quête représentée ici est celle du paradis perdu ; et le mythe, celui de l’âge d’or et du bon sauvage. Bien loin de cet idéal, l’Europe aura tôt fait de conquérir  ces territoires d’outre-mer et de les exploiter. L’art deviendra alors outil de propagande au service de l’idéologie colonialiste. Ces œuvres sont toutes issues d’une collection née, avec l’Exposition Universelle de 1931, au palais de la Porte Dorée, musée des colonies devenu en 1935 musée de la France d’outre- mer, puis musée des arts africains et océaniens de1960 à 2003, et aujourd’hui musée de… l’immigration, majestueux édifice résumant à lui seul l’aventure coloniale française.

MUSÉE DU QUAI BRANLY

JUSQU’AU 6 JANVIER 2019