PARIS-LONDRES. MUSIC MIGRATIONS (1962-1989)

SONS DES AUTRES, SONS D’ICI

PAR  KATHLEEN AUBERT

Le Musée national de l’histoire de l’immigration montre comment les musiques apportées par les immigrés des anciennes colonies anglaises et françaises ont influencé le paysage culturel, social et économique de leur terre d’adoption.

La musique est-elle un outil d’intégration ou, au contraire, d’affirmation de sa différence culturelle ? Peut-elle être l’expression des mutations profondes d’une société ? Ce sont à ces questions complexes auxquelles tente, en substance, de répondre l’ambitieuse exposition Paris-Londres. Music Migrations (1962-1989) au filde 600 documents (photos, vidéos, extraits sonores, affiches de concerts, pochettes de disques, fanzines, costumes et instruments).

L’enquête débute au lendemain de l’indépendance jamaïcaine et algérienne. La France et l’Angleterre entament alors une période de forte croissance économique et le besoin de main d’oeuvre dans les deux pays génère une forte immigration venue des anciennes colonies, nécessaire mais pas toujours bien acceptée. Dans leurs bagages, ces immigrés apportent leur culture et leur musique. En Angleterre, le ska et le reggae seront vite adoptés par les populations ouvrières blanches des quartiers populaires où les deux communautés vivent côte à côte.

En France, à l’inverse, les jeunes arrivés en métropole délaissent leurs racines pour se transformer en yéyés, tandis que leurs ainés vivent dans la nostalgie de leurs racines. Deux histoires à la fois parallèles et très différentes…

Avec une décennie d’avance pour l’Angleterre (ne parler que de Paris et Londres est un peu réducteur), les zones urbaines où sont installés les immigrés seront le théâtre de révoltes contre la pauvreté, les violences et les discriminations, souvent exprimées en musique. Elles seront aussi lieu de naissance d’espaces alternatifs où les cultures underground se mêlent aux cultures immigrées : en Angleterre à la fin des années 70, la scène punk engagée se nourrit des sons reggae ; en France dans les années 80, les groupes fer de lance de la scène rock alternative sont souvent des enfants de l’immigration, de la Mano Negra à La Souris Déglinguée, en passant par Carte de Séjour et les Négresses Vertes.

Ludique et conçue pour tous les publics, l’exposition — qui rend dans sa dernière partie un bel hommage à l’utopie de la sono mondiale chère aux fondateurs d’Actuel et de Radio Nova, et explique la naissance du phénomène commercial « World Music » — parle finalement de ce que l’on nomme aujourd’hui le vivre-ensemble. Elle pose, au travers du prisme musical, la question du communautarisme versus l’assimilation républicaine. Et décrit une réalité malheureusement encore souvent reniée : notre société est multiculturelle, hybride, en constante évolution.

PARIS-LONDRES. MUSIC MIGRATIONS (1962-1989)

MUSEE NATIONAL DE L’HISTOIRE DE L’IMMIGRATION, PARIS

JUSQU’AU 5 JANVIER 2020

MANIFESTATIONS AUTOUR DE L’EXPOSITION :

http://www.histoire-immigration.fr /agenda/2019-01/paris-londres