L’AMOUR EN TEMPS DE GUERRE
Comment traiter un fait historique d’un point de vue exclusivement humain ? C’est peut-être la question que s’est posée Oualid Mouaness, au moment d’écrire le scénario de Liban 1982.
PAR LUNA CRUZ
Bref rappel chronologique : dès le début du mois de juin 1982, les forces armées israéliennes envahissent le sud Liban lors d’une opération nommée « Paix en Galilée » (macabre ironie !). Les habitants de Beyrouth redoutent une invasion de la ville, quand d’autres espèrent que les affrontements seront contenus dans le sud du pays. Voilà le contexte historique du film, qui prend un parti pris extrêmement original : raconter l’entrée de l’armée israélienne dans Beyrouth depuis le microcosme d’une école élémentaire et en l’espace d’une seule journée d’été, la dernière journée d’école de l’année.
Le spectateur suit alors Wissam, un petit garçon amoureux d’une de ses camarades de classe, et son institutrice Yasmine, interprétée par une Nadine Labaki sublime d’émotions. Une grande partie du film est très joliment racontée à hauteur d’enfants et de façon remarquablement subtile. Le spectateur s’attache au héros et à sa décision d’avouer son amour à Joanna, également sa rivale pour être à la tête de la classe. On suit les enfants dans la cour de récréation, et on partage leurs conversations empreintes des idées de l’époque; les idées de leurs parents dont ils sont les porte-parole inconscients. On comprend alors qu’il va falloir à Wissam une énorme dose de courage pour avouer son amour à Joanna, puisque filles et garçons sont encore très séparés dans une ambiance stricte et sévère.
La bienséance de leur société pèse sur eux, jusque dans la cour d’école. Dans ces tribulations, on oublierait presque l’autre conflit du film pourtant omniprésent, lourd et électrique. Dès les premières séquences du film, la peur de l’avancée de l’armée israélienne se lit sur les visages de tous les protagonistes adultes : le personnel de l’école, les professeurs, secrétaire, proviseur… Cette angoisse des adultes, pesante mais sourde, laisse d’abord aux enfants la liberté d’évoluer dans leur monde, jusqu’aux premières détonations qui résonnent dans la classe. Les peurs se mêlent alors, celle de l’adulte tentant de contenir celle des enfants et d’éviter toute panique, même si l’effroi est ressenti de façon épidermique chez le spectateur. Le passage des chars sur la route, juste devant la cour (qui marque la fin de la récréation au sens figuré) est peut être la séquence la plus glaçante de Liban 1982.
La finesse du film, et son extrême sensibilité, réside à ne jamais perdre Wissam dans la terreur et la panique de cette guerre qui arrive, en préservant sa candeur et son optimisme d’enfant. Pour Wissam, ce jour d’été, ce jour de guerre, seule compte l’idée de ne pas perdre Joanna et de parvenir à lui dire son amour…
LIBAN 1982
de Oualid Mouaness
avec Nadine Labaki, Mohammad Dali, Aliya Khalidi
Sortie le 24 novembre