Ce nouvel album de la pianiste et chanteuse australienne est une déclaration d’amour à la bossa nova. Il aurait pu s’appeler aussi « Tribute To Jobim », tant le compositeur brésilien y est omniprésent. Soutenue par deux maîtres du genre et fins connaisseurs de ce répertoire, Jaques Morelenbaum et Romero Lubambo, Sarah McKenzie boucle dignement un projet au répertoire piège.…
PAR FRANCISCO CRUZ PHOTO OSCAR MAY, PHILIPPE LEVY-STAB
WITHOUT TOM
Musique « alternative », esthétiquement contestataire il y a 60 ans à Rio de Janeiro, puis rendue policée, sucrée et sexy, sur les plages de la West Coast californienne, c’est plutôt cette face de la bossa nova qui constitue le cadre référentiel pour la plupart des jazzmen. Sarah McKenzie n’est pas une exception, mais elle échappe au piège de la facilité avec talent et intelligence. La finesse et la justesse pour compenser la timidité du feeling. Car, le « vécu et le ressenti » de la saudade carioca ne s’improvisent pas.
L’effet le plus immédiat de cet album (et ce n’est pas négligeable) est de nous inviter à revaloriser le travail de longue haleine réalisé par Eliane Elias – pianiste et chanteuse de jazz originaire de Sao Paulo -, mais aussi celui des chanteuses comme Paula Morelenbaum et Luciana Souza, sans oublier Rosa Passos et Joyce…
Pourtant, Sarah McKenzie ose aller au-delà d’une simple nouvelle interprétation standard. Elle propose trois compositions – plus une co-composition avec Lubambo, à côté de neuf classiques de Tom Jobim – et ce sont les moments les plus vrais de l’album. McKenzie jouant sa propre musique, sa propre version de la bossa (« The Voice Of Rio »), femme de culture musicale nordiste fascinée par le son du Brésil et le rythme vital du tropique du Capricorne. Without You pourrait s’interpréter comme « du Jobim sans Jobim ».
Heureusement pour la pianiste, elle compte sur le soutien de la guitare de Lumambo – vieux routier de la bossa, résidant aux Etats-Unis depuis plus d’un demi-siècle et sideman de choix pour chanteurs et musiciens sur des centaines d’albums – et de Jaques Morelenbaum, brillant violoncelliste – ancien complice d’Egberto Gismonti, guest chez Sting, directeur musical auprès Caetano Veloso – et membre du Quarteto Jobim. Le drive jazz assuré par les baguettes de Peter Erskine avec précision et retenue, le piano de McKenzie peut voguer librement depuis le Corcovado aux plages océaniques, et rencontrer une millième fois la « Girl From Ipanema » pou chanter ensemble « Chega De Saudade ».
SARAH MCKENZIE
Without You
(Normandy Lane)